C. Deltombe présente P. Lamy et introduit la séance :
P. Lamy a été Président de l’Institut J. Delors en 2004-2005, directeur de l’OMC de 2005 à 2013 et Président du Forum de Paris pour la Paix depuis 2019. Nous avions choisi un sujet sur l’OMC et voulions interroger P. Lamy sur le rôle de l’OMC, la situation du commerce mondial, la Chine qui garde un statut de pays en développement… Est arrivée la guerre en Ukraine. Nous vous proposons d’évoquer les éléments économiques de la guerre en Ukraine. `
4 questions.
Autour du dernier ouvrage publié par J. M. Guehenno, Le premier vingt et unième siècle (2021)
Dans ce premier vingt et unième siècle, on est passé de la globalisation à l’émiettement du monde. L’Europe a raté le virage de l’après-guerre froide. Elle n’a pas réalisé son projet.
En 1989, on est au bout d’un cycle où l’on avait le sentiment que l’individu pouvait tout. La crise actuelle n’est pas seulement socio-économique. Quelle légitimité ont aujourd’hui les communautés politiques ? Les électeurs sont peu convaincus. Il y a une crise démocratique. « Pour que la démocratie soit possible, il faut une société »
Nous sommes dans l’âge des données, révolution comparable à celle de la diffusion de l’imprimerie. Cela bouleverse la légitimité des savoirs avec leur diffusion. L’âge des révolutions a été précédé par une longue crise des légitimités. Nous sommes dans une nouvelle ère de destruction créatrice.
Lire le compte rendu →Correspondant du Monde au Royaume Uni de 2014 à 2019
Exposé
Le Brexit aura lieu mais les négociations vont durer longtemps. Les élections à venir du 12 décembre ne sont qu’une péripétie d’une histoire au long cours. Voici bientôt quatre ans que par référendum les britanniques ont voté à 51,9 % pour la sortie de l’UE.
Overdose du mot « Brexit » : 4060 articles du « Monde » avec le mot Brexit. Exaspération des Britanniques avec trois élections législatives en 2015 (Cameron), en 2017 (May) et dans quelques jours en 2019 (Johnson).
Je retire trois leçons fondamentales de mon passage à Londres :
Lire le compte rendu →Exposé
Le populisme est-il contagieux ? Tout le monde en parle. C’est un mot-valise. Je vais me concentrer sur l’Europe. Qu’entend-on par « populisme » ? Immense production scientifique à ce sujet. Deux grandes interprétations :
Exposé
Nous devons abandonner une vision trop simpliste de l’Allemagne réduite à l’image des couples de dirigeants français et allemands qui ont jalonné l’histoire de la relation entre nos deux pays : De gaulle-Adenauer, Giscard-Schmidt, Mitterrand-Kohl, Sarkozy/Hollande/ Macron-Merkel .
En y regardant de plus près, les relations sont plus complexes car les peuples, les économies, les cultures sont différents.
– Trois traditions façonnent lourdement l’approche allemande :
C’est elle qui a par exemple inspiré le Japon ou la Corée du Sud pour redresser leur économie après WWII et la guerre de Corée : flot croissant des exportations de voitures japonaises ou de pétroliers coréens à partir des années 70s mais impossibilité de vendre une voiture européenne au Japon à l’époque ou de commander un pétrolier dans un chantier de l’UE.
Cette tradition est déjà présente dans le fonctionnement et le développement de la ligue hanséatique au XII-XIIIème siècles.
Ainsi en Allemagne le développement d’un excédent commercial est une priorité alors qu’en France on parle plus volontiers de contrainte liée à l’équilibre du commerce extérieur. Aujourd’hui l’Allemagne a un excédent commercial de 245 G€ tandis que la France enregistre un déficit commercial de 45 G€.
Dans ce contexte est survenue la crise financière de 2008 partie des USA en raison d’une croissance débridée de « l’industrie financière ». Les allemands avaient sacrifié le mark à l’Euro pensant pouvoir faire une BCE calquée sur la Bundesbank. Grâce à M. Draghi, la pratique de la BCE nous a sauvés de la dépression main M. Draghi est près du départ et les allemands rêvent de le remplacer par le président de la Bundesbank alors que la crise a accentué les divisions entre le Noud et le Sud de l’UE.
– Dans la crise grecque l’Allemagne avait deux idées en tête : Une première non dite de sauver les banques allemandes fortement détentrices d’obligations grecques (au rendement très élevé, contrepartie du risque pris). La dette publique auprès des banques privées a ainsi été transformée en dette envers la BCE.
La deuxième portée par W. Schauble était de pousser la Grèce à faire (comme l’Allemagne) de l’excédent budgétaire. Cela a été si bien fait que le FMI est intervenu pour modérer le mouvement jugeant la dette publique grecque irremboursable.
– La crise de 2008 a stoppé la croissance de l’UE sauf en Allemagne qui avec son vieux réflexe mercantiliste s’est lancée avec succès dans la quête de débouchés hors de l’UE.
– Mais A. Merkel a aussi sauvé l’honneur de l’UE en accueillant un million de réfugié en 2015.
Dans ce contexte comment répondre à la question posée : « La grande coalition allemande sera-t-elle au rendez-vous de l’Europe post-brexit ? »
E. Macron et A. Merkel ont promis de présenter au sommet de juin à Bruxelles un « paquet » de mesures propres à relancer l’UE alors que :
– Celle-ci se délite et qu’une nouvelle crise qu’on ne peut exclure la trouverait désarmée et risquerait d’être très dure, le levier de l’endettement étant épuisé.
– l’UE doit faire face à une pression migratoire qui est une tendance lourde de l’Histoire.
– le Chine, reine du mercantilisme, se fait maintenant la championne du libre-échange car elle se pense désormais assez forte pour être la première partout.
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