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20/06/2022 – Travail et inégalités – Hervé Lanouzière

François Colly présente Hervé Lanouzière : il a été Inspecteur Général des Affaires Sociales à
la Direction Générale du Travail, chargé de la santé au travail et de la prévention des risques
psycho-sociaux. Il est actuellement Directeur de l’Institut National du Travail.
H. Lanouzière explique que l’INT est le lieu où sont formés tous les agents, les inspecteurs du
travail, les administrateurs, où s’élaborent la pensée et le transfert de compétences sur
l’évolution du travail, « l’algorythmisation » du travail qui va « plus vite que nous », et une
agence pour l’amélioration des conditions de travail. Lui-même a fait un pas de côté dans le
privé pour comprendre l’évolution des modes et des conditions de travail.
Il annonce 2 parties à son exposé,

  • La dérive du travail qui s’éloigne du salariat (ubérisation)
  • L’affaiblissement interne du salariat (télétravail, etc.).
    Il commence par quelques anecdotes exemplaires :
  • « Une grande banque française décide de tout digitaliser, passer au zéro papier. Un
    employé qui fait des simulations de prêts, doit ouvrir plein d’écrans et met 30 ‘ pour
    répondre à une question. Cela a été une catastrophe, avec des troubles psycho-
    sociaux pour les employés qui énervaient les clients furieux. La banque a investi des
    millions dans ce virage numérique et a été obligée de faire marche arrière en 2010.
    On considérait que la modernisation, le numérique, allait de soi !
  • Dans un groupe industriel de haute technologie, de pièces d’aéronautique, j’ai été
    appelé par la direction, l’usine-mère est bloquée à 40 % de sa productivité. Il y a un
    marché pour 5 ans, de nouvelles machines, les ingénieurs, mais les hommes ne sont
    ni motivés, ni engagés. Les managers vont près des salariés pour les regarder
    travailler. Mais ces derniers se sentent surveillés. Le dialogue social est très dégradé,
    il y a des lacunes de management. Quand on dit aux chefs d’équipe de ne pas être
    déconnectés, de répondre aux problèmes techniques, d’entendre les critiques des
    salariés qui ont des choses à dire, de passer du temps en soutien des ouvriers, ils
    répondent : « Moi je suis là pour faire des trains d’atterrissage, je ne suis pas là pour
    veiller au bien-être des salariés au travail. » Oui, mais ils ne font pas assez de trains
    d’atterrissage ! Le chef d’atelier doit entendre les critiques des salariés.
  • La Poste recrute des factrices et les forme dans le cadre de la parité
    hommes/femmes. Elles ont presque toutes démissionné, ou sont en congé maladie.
    Seraient-elles plus fragiles ? On observe que les conditions de travail ont été
    adaptées à un homme d’1m75, le vélo, la sacoche, les casiers sont faits pour l’homme
    moyen. Ça génère des maladies. Or, ce sont des femmes, souvent monoparents. On
    leur demande de venir à 6h du matin au centre de Paris pour que tout le monde ait
    son courrier à 9h. Or, on distribue moins de courrier. Pourquoi les faire venir si tôt ?
    Les organisations n’intègrent pas les nouveautés sociales.
  • Dans la logique d’égalité homme/femme, on recrute des tourneuses-fraiseuses. 6
    mois après, elles avaient toutes démissionné. On les faisait travailler en 3/8, ça n’a
    pas marché et on a été chercher des polonais travailleurs détachés.
  • En un an, les entreprises concurrencées par la vente sur internet ferment leurs
    entrepôts et licencient, ou mettent tout le monde en télétravail…
  • Du jour au lendemain, un concurrent de la vente par correspondance propose 8
    collections par an sur internet, on commande et c’est livré le lendemain !
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07/03/2022 – L’Europe à l’heure de la guerre – Pascal Lamy

C. Deltombe présente P. Lamy et introduit la séance :

P. Lamy  a été Président de l’Institut J. Delors en 2004-2005, directeur de l’OMC de 2005 à 2013 et Président du Forum de Paris pour la Paix depuis 2019. Nous avions choisi un sujet sur l’OMC et voulions interroger P. Lamy sur le rôle de l’OMC, la situation du commerce mondial, la Chine qui garde un statut de pays en développement… Est arrivée la guerre en Ukraine. Nous vous proposons d’évoquer les éléments économiques de la guerre en Ukraine. `

4 questions.

  • 1) Les sanctions sont-elles de nature à faire reculer Poutine ?
  • P. Lamy part d’un entretien qu’il a eu le matin même avec J. Delors à partir des crises qui se répètent , interconnectées. Au départ, on était dans un monde où la science, l’économie et la politique entretenaient l’idée d’un progrès. La question c’étaient les injustices et la crise climatique. Cette crise de l’Ukraine arrive, guerre à l’ancienne qui suscite la stupéfaction devant cette régression. On ne peut pas ne pas penser  en écoutant les discours de Poutine qu’il n’a pas toute sa raison. Envahir l’Ukraine pour la ré-annexer ? Il se heurte à une résistance. Les sanctions financières et commerciales vont-elles le ramener à la raison ?  Ça va lui coûter très cher par rapport à ce que ça va lui rapporter. L’impact sur la population russe va peut-être devenir insupportable et amener des troubles. Mon sentiment est que Poutine sera perdant au bout du compte, mais à long terme. Les sanctions vont produire leur effet sur la Russie si la Chine ne l’aide pas sérieusement. L’économie russe exporte de l’énergie, de l’aluminium, de la pâte à papier. Avec les sanctions, l’argent va manquer, il y aura de l’inflation. L’embargo sur le pétrole et le gaz russe sera une arme décisive. Actuellement c’est l’Europe qui paye la rente russe du pétrole et du gaz, un superprofit, 200 milliards avec la hausse des prix. Nous ne pouvons pas gagner sans faire monter la pression, et ça va nous coûter cher. Il faut baisser le chauffage ! Sur les prix alimentaires, les céréales, ce sont les pays africains et du Maghreb qui vont souffrir le plus.
  • 2) Quelles mesures prendre en Europe pour pallier les mesures de rétorsion russe ?
  • En France si on a une inflation énergie +alimentation, le chèque pour compenser serait de 20 milliards d’euros en ordre de grandeur. Il faut réviser la stratégie de décarbonations, accélérer les énergies renouvelables, changer les priorités du Green Deal, ça veut dire de gros coûts d’investissement. Vis à vis des états dits « frugaux » , il ne faut pas commencer par dire « on va refaire un grand emprunt commun ». Il faut dire « on a besoin de faire  des investissements », et ensuite « on a besoin de le faire ensemble ». Il faudra d’ailleurs coupler ça avec un geste diplomatique à l’égard de la population russe qui va commencer à sortir du contrôle de la communication, leur dire « on n’est pas contre vous ».
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07/02/2022 – Où va la France ? Michel Wievorka.

M. Wieviorka, sociologue,  a publié récemment « Métamorphose ou déchéance, où va la France ? »

Une question lui est immédiatement posée  : «  Comment quelqu’un qui est de gauche se saisit-il du terme de déchéance, qui est utilisé par la droite et même l’extrême-droite aujourd’hui ?

M. W. répond qu’il a souhaité éviter «déclin» ou «décadence». Ce livre cherche à éclairer l’actualité sans la commenter, livre issu du calme obligé du confinement  et nous invite à regarder par en-haut  l’Etat, et par en-bas la société.

L’Etat

Si on étudie l’histoire de l’Etat français depuis 1945, on observe une tendance qui s’accentue : celle d’une désarticulation de l’Etat proprement politique et de la haute administration. Il y a une dissociation entre ces deux faces de l’Etat avec des conséquences ennuyeuses. L’Etat administratif s’est alourdi. La décentralisation n’a pas abouti. On croit prendre des décisions, mais elles se perdent dans cet Etat gazeux, parfois même fangeux, avec des techno-bureaucrates qui ont un pouvoir énorme. Je n’ai pas rencontré ce que certains (plus ou moins complotistes) appellent « l’Etat profond » qui en secret exercerait le « vrai pouvoir », sauf peut-être dans le domaine militaire (un ingénieur général de l’armement truque quelquefois les chiffres) ou parfois au niveau local.

La société

  • Il faut reprendre les grandes mobilisations depuis mai 68 qui a été un mouvement social historique exceptionnel où le mouvement social étudiant a été relayé par, et a convergé avec, le vieux (depuis 1864) mouvement social ouvrier. Et bien que les appareils syndicaux et le PC ne soient pas du tout chauds, Alain Geismar avait entraîné le SNESUP et les professeurs à leur donner leur appui. Ce fut un moment où se sont sentis proches les jeunes étudiants et les jeunes ouvriers. Cela ne s’est pas reproduit, même si on peut en rapprocher un peu le mouvement anti-nucléaire et l’affaire de Lip avec son essai d’autogestion.
  • Aujourd’hui, on a des luttes pour défendre le passé : des pans entiers de l’ancienne société, de façon parfois catégorielle, défendent les avantages acquis du secteur classique de notre société.
  • Mais existent aussi des mobilisations éthiques ou culturelles pour construire un monde nouveau : d’abord sur la défense de l’environnement, ensuite pour le féminisme, comme « Me too », enfin pour les droits humains, contre les violences policières ou le racisme. Sur ce thème, on a assisté à d’énormes changements : l’idée de race se réclamait de la science, biologie ou génétique, pour invoquer une hiérarchie des races. Aujourd’hui, vient des Etats-Unis l’idée que la race apparaît comme une construction sociale, la façon dont on est perçu comme partie d’un groupe (on parle de personnes « racisées»), que cette  « racisation » désigne à discriminations ou violences.

  On peut évoquer aussi la revendication de la liberté de décider soi-même le moment de sa mort (euthanasie)

  •   Des mouvements spontanés qui récusent les institutions et les corps intermédiaires :
  • les gilets jaunes
  • les anti-vaccins, anti-passe sanitaire, anti-Macron.
  • qui démarrent et se développent sur internet en lutte contre les médiations et la représentation/trahison : pas de leaders, les représentants sont neutralisés, disqualifiés. Ils ne veulent pas passer par des commissions. Le système de représentation est considéré comme carrent.
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14/05/2018 – Allemagne : la grande coalition relancera-t-elle l’Europe ? Christian Sautter

Exposé

Nous devons abandonner une vision trop simpliste de l’Allemagne réduite à l’image des couples de dirigeants français et allemands qui ont jalonné l’histoire de la relation entre nos deux pays : De gaulle-Adenauer, Giscard-Schmidt, Mitterrand-Kohl, Sarkozy/Hollande/ Macron-Merkel .

En y regardant de plus près, les relations sont plus complexes car les peuples, les économies, les cultures sont différents.

–          Trois traditions façonnent lourdement l’approche allemande :

  1. La tradition du mercantilisme telle que formulée par Friedrich List (économiste allemand du XIXème siècle) selon laquelle le libre échange n’est bon que pour les pays déjà développés. Pour les autres il faut trouver des accommodements intelligents et se tourner résolument vers l’exportation. En bref il faut se protéger de la concurrence des pays plus développés tant que l’on n’est pas compétitif.

C’est elle qui a par exemple inspiré le Japon ou la Corée du Sud pour redresser leur économie après WWII et la guerre de Corée : flot croissant des exportations de voitures japonaises ou de pétroliers coréens à partir des années 70s mais impossibilité de vendre une voiture européenne au Japon à l’époque ou de commander un pétrolier dans un chantier de l’UE.

Cette tradition est déjà présente dans le fonctionnement et le développement de la ligue hanséatique au XII-XIIIème siècles.

Ainsi en Allemagne le développement d’un excédent commercial est une priorité alors qu’en France on parle plus volontiers de contrainte liée à l’équilibre du commerce extérieur. Aujourd’hui l’Allemagne a un excédent commercial de 245 G€ tandis que la France enregistre un déficit commercial de 45 G€.

  1. La mémoire de l’hyperinflation de 1923 (acheter son pain avec une brouette de billets qui perdait le jour même une bonne partie de sa valeur) qui a fait fondre l’épargne allemande en conséquence des réparations exigées par le traité de Versailles. Elle a réapparu en 1946-47 en laissant un très mauvais souvenir.
  2. La facture de la réunification. Kohl a alors décidé la parité entre les mark Ouest et Est ruinant l’industrie est-allemande et engendrant un transfert de 2000 G€ de l’ouest vers l’est. « On ne va pas refaire cela pour la Grèce » pensent les allemands.

Dans ce contexte est survenue la crise financière de 2008 partie des USA en raison d’une croissance débridée de « l’industrie financière ». Les allemands avaient sacrifié le mark à l’Euro pensant pouvoir faire une BCE calquée sur la Bundesbank. Grâce à M. Draghi, la pratique de la BCE nous a sauvés de la dépression main M. Draghi est près du départ et les allemands rêvent de le remplacer par le président de la Bundesbank alors que la crise a accentué les divisions entre le Noud et le Sud de l’UE.

–          Dans la crise grecque l’Allemagne avait deux idées en tête : Une première non dite de sauver les banques allemandes fortement détentrices d’obligations grecques (au rendement très élevé, contrepartie du risque pris). La dette publique auprès des banques privées a ainsi été transformée en dette envers la BCE.

La deuxième portée par W. Schauble était de pousser la Grèce à faire (comme l’Allemagne) de l’excédent budgétaire. Cela a été si bien fait que le FMI est intervenu pour modérer le mouvement jugeant la dette publique grecque irremboursable.

–          La crise de 2008 a stoppé la croissance de l’UE sauf en Allemagne qui avec son vieux réflexe mercantiliste s’est lancée avec succès dans la quête de débouchés hors de l’UE.

–          Mais A. Merkel a aussi sauvé l’honneur de l’UE en accueillant un million de réfugié en 2015.

Dans ce contexte comment répondre à la question posée : « La grande coalition allemande sera-t-elle au rendez-vous de l’Europe post-brexit ? »

E. Macron et A. Merkel ont promis de présenter au sommet de juin à Bruxelles un « paquet » de mesures propres à relancer l’UE alors que :

– Celle-ci se délite et qu’une nouvelle crise qu’on ne peut exclure la trouverait désarmée et risquerait d’être très dure, le levier de l’endettement étant épuisé.

–   l’UE doit faire face à une pression migratoire qui est une tendance lourde de l’Histoire.

– le Chine, reine du mercantilisme, se fait maintenant la championne du libre-échange car elle se pense désormais assez forte pour être la première partout.

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05/03/2018 – Les défis du grand Paris – Pierre Veltz

Exposé

L’Ile de France représente 12 Millions d’h., 32 ou 33 % du PIB français, 40% des dépenses en Recherche et Développement même si la localisation du PIB est toujours un peu arbitraire et si on peut dire que cette surreprésentation est en partie due aux salaires plus élevés en IDF.

Bien sûr, pour beaucoup d’élus provinciaux, on s’occupe trop de Paris. Pourtant, ce n’est pas si vrai …

Revenons en arrière : La grande réforme de Delouvrier en 64-68, sous De Gaulle, qui a supprimé le département de la Seine (qui avait pourtant permis la mise en place d’une politique du logement) et installé 8 départements, 3 en première couronne et 4 en seconde couronne, a été déterminée pour contenir la « ceinture rouge » du PCF en Seine  St Denis et Val de Marne. Une remise en ordre du tissu anarchique ( « bordel » d’après le mot de De Gaulle) a été effectuée, avec la création de villes nouvelles et du RER  et lignes de banlieue radio-concentriques.

Mais 50 ans plus tard il fallait un changement d’échelle. Sarkozy a demandé à Christian Blanc de penser un Grand Paris et il a pensé travailler sur des territoires pour des projets stratégiques comme Roissy ou le plateau de Saclay ? On a reconnu la nécessité de repenser le schéma de transports sur un mode tangentiel et non plus radial.

On a donc créé une société ad hoc, Le Grand Paris Express. Mais les coûts ont dérapé, il a fallu retarder le calendrier pour des raisons budgétaires, tenir compte de la dette. On a donc reporté les accès au plateau de Saclay.

– Grand problème des inégalités croissantes internes à la région IDF. Les inégalités sont de moins en moins interrégionales mais à l’intérieur des régions elles-mêmes (inégalités « de proximité »). Cela vaut pour toutes les métropoles. Entre l’ouest et l’est de l’IDF, la situation s’est aggravée. Il n’y a ni mécanisme régulateur ni volonté politique de les réduire des inégalités qui croissent par le haut. Il y a encore des zones de relative mixité sociale en IDF mais la tendance est à la diminution.

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