07/10/2022-Russie-Ukraine/Michel Foucher
Les Ukrainiens résistent à l’invasion russe, aidés par l’engagement des anglo-saxons. Quel combat est
le leur ?
Le premier voyage de M. Foucher en Ukraine date de juillet 1998 pour préparer le voyage du
président Chirac dans l’Ukraine indépendante. Le Mémorandum de Budapest avait été signé en 1994,
4 ans plus tôt, par lequel l’Ukraine renonçait aux armes nucléaires de longue portée et acceptait leur
transfert en Russie en échange de la reconnaissance par Moscou de son intégrité territoriale et de
son indépendance. C’était la condition posée aussi par la France pour reconnaître cette
indépendance. Le géopoliticien américain Z. Brzezinski venait de publier « Le Grand Echiquier » où il
posait la thèse selon laquelle sans l’Ukraine, la Russie cesserait d’être un empire et qu’on pouvait
hâter cette évolution en rapprochant l’Ukraine de l’OTAN, afin de réorganiser une « tête de pont
démocratique France, Allemagne, Pologne, Ukraine », pour assurer la sécurité en Europe et
réorganiser le continent sur des bases démocratiques. Son texte a été étudié à l’Académie militaire
russe par les officiers supérieurs au Kremlin.
En 1998, on essayait de tisser des liens avec Elstine, on a tout fait pour associer les Russes à ce qu’on
faisait : favoriser le commerce, la formation d’une classe moyenne et d’une démocratie. Mais la
vision de Brzezinksi a été perçue comme un programme stratégique offensif contre la Russie. C’est
alors que Poutine en 2005 dit : « La disparition de l’Union Soviétique est la plus grande catastrophe
géopolitique du vingtième siècle ». Donc il faut recomposer le monde russe ! Poutine va mettre en
œuvre ce projet avec un temps de décalage. En 2007, à Munich, il tient un discours anti-occidental,
son projet impérial se construit malgré des échecs successifs. Il joue une politique d’influence, gaz,
pétrole, armements en Afrique.
Il n’y a eu en Russie aucun retour critique sur le système soviétique et le stalinisme. L’association
Memorial a été interdite. L’URSS s’est effondrée sur elle-même, déclarant l’indépendance de ses
républiques de son propre fait.
Le Covid a eu des effets : on ne fait pas de diplomatie par visio. Les relations internationales se sont
durcies. Poutine et Xi s’isolent. Après le Covid, Poutine reprend son projet impérial. Nicolas Werth
avec son « Poutine, historien en chef » montre comment Poutine, falsifiant l’histoire, exalte la
grandeur d’un empire russe éternel face à un Occident agressif et décadent. Pour lui, il n’y a pas
d’Etat ukrainien car la moitié était contrôlée par la Pologne et l’autre par la Russie, ce que Catherine
II appelait la Nouvelle Russie. Le 9 juin 2022 dans un discours, Poutine, sortant d’une exposition sur
Pierre Le Grand, dit « En reprenant St-Petersbourg à la Suède, Pierre le Grand ne s’emparait de rien, il
reprenait et renforçait » L’Ukraine c’est étymologiquement l’espace des marges. Pour lui, c’est la
Petite-Russie, les frères inégaux, comme la Biélorussie, ce sont les blancs-russes, ils sont des
éléments de la nation pan-russe. Pendant la 2 ème guerre mondiale, l’Armée Rouge libère des nazis,
mais l’occupe. 4 millions d’ukrainiens sont morts à Stalingrad. Mais il y a aussi à Kiev un Musée de
l’Occupation soviétique !
Le discours de Poutine du 30 septembre 2022 :
- Violemment anti-occidental, contre l’Occident décadent.
- Style Père des peuples : exaltation des héros russes qui se battent pour la grandeur de la Russie
Lors de leur offensive contre l’Ukraine, les premières victimes des bombardements russes sont des
citoyens ukrainiens qui parlent russe. Les Russes coupent les carrefours, les nœuds ferroviaires, les
communications. Les objectifs de Poutine ce sont la mer Noire et la mer d’Azov. Pour faire taire les
mères de soldats morts (55 000), on leur donne une allocation, l’argent de la lutte contre le Covid.
Dans le tract, M. Foucher évoque 3 scénarios (au 14 avril 2022) :
- L’Ukraine perd. Zelensky est assassiné ? On met un fantoche comme président.
- L’Ukraine ne perd pas. Elle progresse sur 2 fronts : du côté de Kherson, du côté du Donetsk,
elle avance. - C’est l’escalade. Menaces russes « contre quiconque se mettra en travers de nous » reprises
par Kadyrov. On doit prendre au sérieux ces menaces. Entretenir le flou est nécessaire. Il est
raisonnable de dire qu’aujourd’hui le nucléaire tactique est une arme d’emploi. Les
Américains ont répondu : il y aura des conséquences ! Frapper la base de départ. Il faut
garder son calme.
Lorsque les services américains ont présenté à Joe Biden, fin octobre 21, l’état des
déplacements des forces russes, les Etats-Unis ont anticipé. Et ils ont informé Zelensky, qui a
fait semblant de ne pas y croire. Dès août, les Américains ont fourni du matériel et du
renseignement. (Nous, on n’y a pas cru parce que Colin Powel avait menti.) La contre-
offensive va continuer. Zelensky a dit qu’il négocierait mais pas avec Poutine, avec un autre
président ! Il n’y a jamais eu de changement de régime en Russie sans défaite militaire
extérieure. Mais cet autre président pourrait être pire, Evgueni Prigogine, l’âme damnée de
Poutine !
Q. Que pensez-vous du nombre d’états qui sont derrière Poutine à l’AG des Nations Unies ?
- Avec la Corée du Nord, la Syrie, la Biélorussie et l’Erythrée ? ceux qui se sont abstenus sont
plus importants, la Chine, l’Inde et une partie de l’Afrique. La Chine et l’Inde rappellent les
principes et n’aiment pas la guerre. Non, la Russie est isolée diplomatiquement.
Q. Que vaut l’argument selon lequel l’OTAN, l’Occident, a voulu déstabiliser la Russie ? - Il est nul. C’est un discours pour justifier la mobilisation partielle dont les gens en Russie ne
veulent pas ! La seule façon de justifier ça, est de dire : l’Occident attaque la Russie ! Les gens
entendent ça, ils ont reçu leur feuille de route, le journaliste les entend dire : j’y vais, on est
attaqués ! Ce sont des paysans, souvent issus des minorités, ce sont les méthodes de
Staline !
Q. Le soutien décisif des Américains est-il crédible dans la mesure où Trump peut gagner les
midterms et revenir dans 2 ans ? - C’est un scénario possible.
Anthony Binken a dit devant le Sénat : Il faut une défaite stratégique de la Russie pour
décourager les fauteurs de troubles qui veulent faire pareil.
Q. On parle de frappes nucléaires, qu’en pensez-vous ? - Une politique de la terre brûlée. Attention à ce mot. Le mot nucléaire anticipe le passage à
l’acte. C’est instrumentalisé pour nous faire peur.
Q. Zelinsky doit-il attaquer pour récupérer la Crimée ? - La Crimée est un cas à part, elle a été donnée par Kroutchev, lui-même d’origine
ukrainienne à l’Ukraine pour le 300 ème anniversaire du tsar qui a protégé les Cosaques
contre les Ottomans. 20% des russes ont des origines ukrainiennes. - Et les Ukrainiens qui préfèrent être russes ?
- En Russie les babouchkas sont soviétiques, au sens où « c’était mieux avant » Mais il n’y a
pas 2 populations. Les russophones ne sont pas toujours pro-russes loin de là et sont aussi
mobilisés contre l’annexion. - Ne faudrait-il pas des négociations ?
- Poutine dit « c’est les Ukrainiens qui ne veulent pas. » Le négociateur demande la
capitulation de l’Ukraine. Mais je crois que les Ukrainiens se contenteraient des frontières de
2022 et que la Crimée est négociable. Mais il faut arrêter l’annexion russe et rétablir
l’intégrité territoriale de l’Ukraine. - Quel peut être le rôle de la justice internationale pour le crime d’agression et les crimes de
guerre ? - Un grand travail de recension de tous les crimes de guerre est entrepris et pourra allre
devant la Cour Internationale. Mais il faudra surtout qu’ait lieu une analyse critique de
l’histoire russe par les Russes, de leur passé stalinien etc. Ils vivent avec l’idée d’une nouvelle
opération Barbarossa, d’un OTAN agressif. C’est un pays immense, 17 Millions de km2, une
immensité avec une population qui diminue dangereusement. Et depuis février dernier, les
Russes quittent la Russie d’abord au début de la guerre et ensuite au moment de la
mobilisation. Les jeunes conscrits savent qu’ils vont à la mort. L’armée reflète les maux de la
société en pire : les soldats russes pillent tout ce qu’ils trouvent et rentrent chez eux. Mais il
n’y a aucune opposition en exil. Dès qu’un opposant se manifeste il va en prison. Ils ont
l’habitude de baisser la tête, chacun pour soi. On ne dit rien, ça pourrait être pire après.
Q. Zelensky demande l’intégration de l’Ukraine dans l’Union Européenne ? est-ce plausible ? - On ne peut pas dire « oui » et pas dire « non ». Dans quinze ans ! C’est un pays en guerre,
Les Balkans l’ont demandé bien avant eux. Et il faudrait réformer d’abord la CEE pour pouvoir
prendre des décisions sans consensus. Donc c’est une bonne idée mais…
Sur le site du Grand Continent, on pousse l’idée d’une communauté politique européenne. La
clé, c’est l’égalité des conditions entre les grands pays et les petits. Il y aurait place pour une
Russie démocratique dans cet ensemble !
Q. Ne faut-il pas investir dans la défense en Europe ? - On s’oppose aux Américains, mais sans investir dans une défense européenne. Merkel ne
pouvait pas dire non aux USA sans investir dans sa défense. Et les Allemands achètent des
armes américaines, des F35, pas des armes françaises.
Poutine et les kleptocrates autour de lui n’investissent pas dans l’économie, ne développent
pas le pays, la Russie ; c’est comme un émirat : une station-service avec des bombes
nucléaires. Et la Russie finance l’extrême-droite en Europe, d’où la chute de Draghi et le
succès de Meloni. Toute la campagne du RN en France a été financée par une banque
tchèque. La Russie finance aussi Thierry Mariani, et le Burkina Faso !
Compte-rendu de S. Cadolle
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