À l’aide de nombreuses diapositives Pascale Cossart décrit le fonctionnement de la cellule et sa perturbation par les différents types de virus. Il ne peut être ici question d’en rendre compte de façon détaillée. On se limitera à ce qui semble l’essentiel :
Le monde du vivant est partagé en trois grands groupes : le groupe des bactéries, le groupe des Archées et le groupe des Eucaryotes. Nous appartenons à ce dernier groupe dont les éléments sont composés de cellules à l’intérieur desquelles se trouve un noyau. Celui-ci comprend une très longue molécule, l’ADN qui est notre patrimoine génétique. Cet ADN contient toutes les informations indispensables à notre développement. Il peut à l’aide d’enzymes être transcrit notamment en un ARN qui pilotera la production des protéines nécessaires et qu’on appelle pour cela l’ARN messager.
Les virus ne se nourrissent pas, ne grandissent pas. Ils ne se divisent pas. Ce ne sont pas des organismes vivants. Ils ne se multiplient que s’ils peuvent pénétrer dans une cellule vivante. L’habitude les a classés dans la catégorie des microbes capables d’infecter les organismes vivants.
Le Corona virus SARS COV 2 provient d’une chauve-souris. Il est enveloppé dans une membrane couverte, comme une couronne, de nombreuses copies d’une protéine appelée spicule, spike en anglais. Celle-ci joue un rôle déterminant dans sa pénétration dans les cellules de certaines parties de notre corps.
Cette membrane est faite de lipides dissous par le savon ou un gel hydro alcoolique. D’où l’importance de se laver fréquemment les mains. À l’intérieur de cette membrane, il y a un ARN simple brin.
La spicule reconnaît certaines cellules de notre corps contenant le « récepteur » ACE 2. Tout se joue alors entre la spicule et ces récepteurs qu’on trouve en différents endroits du corps, sur les cellules du nasopharynx, de l’intestin, des poumons etc.).
Le virus peut pénétrer la cellule de deux façons : soit la membrane de la cellule l’entoure en formant une petite poche (on dit une vacuole) qui va s’ouvrir dans le cytoplasme de la cellule infectée à condition que l’acidité de cette vacuole soit forte(c’est-à-dire un pH bas) , soit sa propre membrane fusionne avec celle de la cellule. Dans le premier cas on peut faire baisser l’ acidité et empêcher la libération de l’ARN du virus par certains médicaments comme la chloroquine. Cela fonctionne in vitro mais pas in vivo.
Quand le virus pénètre dans une cellule, il libère son ARN qui est répliqué de nombreuses fois et produit finalement de nouveaux virus qui infectent d’autres cellules. Le cycle de réplication du virus est dépendant de la machinerie de la cellule humaine.
50% des formes de la maladie sont asymptomatiques. Les formes sévères sont les plus rares. Les hospitalisations augmentent avec l’âge et il y en a plus chez les hommes que chez les femmes.
On trouve au jour le jour toutes les statistiques de la maladie au plan mondial sur le site de la JHU (John Hopkins University). En janvier 2021 on recensait 90 Millions de cas au niveau mondial dont 2M en France. Hier on en était déjà à 106 millions de cas. La pandémie est donc toujours croissante.
La réponse immunitaire de toute personne infectée par un virus prend deux formes : d’abord une réponse innée qui reconnaît tout ce qui n’est pas le « soi » puis, plus tard décalée dans le temps, une réponse adaptative spécifique du pathogène qui infecte.
Les anticorps font partie de cette dernière mais il n’y a pas que les anticorps qui interviennent dans la réponse adaptative : il y a aussi des cellules cytotoxiques, par exemple. Lorsque le virus pénètre dans une cellule, le noyau de cette dernière en est informé et produit une protéine: l’interféron (IFN) qui diffuse l’alerte aux cellules environnantes. Celles-ci synthétisent des effecteurs qui bloquent la multiplication du virus. Toutefois le virus contient des éléments qui peuvent freiner la production d’Interférons chez certaines personnes dites à risques (âge, diabète, obésité etc…) La production de l’Interféron est au cœur de la sévérité de la maladie COVID. Si elle est insuffisante l’orage « cytokinique » peut survenir avec production massive de molécules très inflammatoires.
S’agissant des anticorps, on les trouve chez les patients qui ont déjà été infectés et sont convalescents. On peut utiliser des anticorps de patients gueris comme « medicament ». On peut aussi utiliser des anticorps monoclonaux fabriqués en laboratoire à partir de cellules isolées de patients guéris. Ils se sont avérés efficaces. On pourrait aussi songer à administrer de l’Interféron aux personnes infectées, mais la question est alors de savoir quand le donner vu le décalage de temps entre le début de l’infection et l’apparition des signes cliniques.
Vaccins ? Le but est d’empêcher l’interaction entre la protéine Spike et ses récepteurs dans notre corps. Il y en a de plusieurs sortes : des vaccins ARN, des vaccins ADN, des virus inactivés par un traitement chimique, des vaccins atténués, des vaccins à protéines recombinantes qui utilisent la spicule en entier ou non et la combinent avec un adjuvant. On peut aussi avoir recours à des vecteurs viraux i.e d’autres virus non pathogènes, que l’on modifie pour qu’ils produisent la spicule….
Les variants. La protéine Spike est une grosse protéine avec plus de 1000 composants (acides aminés) susceptibles de changer. Dans le variant anglais le changement intervient dans la zone de la protéine qui se fixe sur le récepteur. De ce fait, la pénétration dans la cellule est plus facile mais, hormis cela, il n’y a pas de modification des symptômes de la maladie elle-même.
Conclusions : Des avancées fondamentales spectaculaires ont été obtenues en un an sur les connaissances du virus. Du jamais vu. Encore des inconnues sur la réponse immunitaire, sa qualité, sa durée, l’efficacité contre les variants … Des molécules anti inflammatoires efficaces ainsi que des vaccins révolutionnaires (à ARN messager) ont été trouvés en un temps record.
Débat : Q1. Que peut-on dire del’immunité de groupe sur laquelle certains pays ont parié (Suède) ?
R. La fin de la pandémie survient quand le virus ne trouve plus de personnes à infecter. Cela arrive lorsque beaucoup de personnes ont contracté la maladie. Désormais s’ajoutent à elles les personnes vaccinées. Vu la sévérité de certaines formes de la maladie le pari au départ de ne pas se protéger par confinement me semble osé.
Q2 : que peut-on dire de la genèse du virus puisque ce n’est pas du vivant ?
R. Cela revient à poser la question de l’origine du monde. Les virus sont là depuis longtemps. Je ne saurais dire ce qu’il se passait il y a 4 milliards d’années.
Q3. Influence du groupe sanguin sur le développement de la pandémie ?
R. Des études sont en cours.
S. Mon mari et moi, âgés de 78 ans avons été infectés. Nous n’avons eu que des symptômes légers.
R. vous avez un bon système immunitaire. Une question est de savoir s’il y a des gens qui ont des anticorps sans avoir été infectés.
Q. Vacciner lentement, ne favorise-t-il pas des mutations du virus difficiles à traiter ?
R. Il faut déjà arriver à produire en un temps très court d’énormes quantités de doses. On pense que les variants sont apparus chez des gens immunodeprimés, qu’ils ont eu le temps de se développer et de se disséminer.
Q. Le prix d’une dose est très élevé de 10 à quelques dizaines de dollars. Les pays africains ne peuvent se le payer alors qu’ils représentent un risque de maintien de la pandémie. Y a-t-il des voies possibles pour obtenir des vaccins à bas coût ?
R. les vaccins à ARN messager sont plus chers que l’Astra Zeneca qui peut être conservé à température normale. Mais la question est importante, il faudra d’une façon ou d’une autre aider les pays pauvres à organiser la lutte contre la pandémie.
Q. Peut-on développer le traitement miracle appliqué à Donald Trump ?
R. Les anticorps monoclonaux sont très chers et pas encore sur le marché.
Q. Quid du séquençage du virus ?
R. Il faut déterminer la structure de l’ARN qui est présent à l’intérieur du virus pour détecter les variants. On a des machines et des laboratoires en France pour faire ce séquençage. Le problème est qu’il faut faire du séquençage à très haute dose et de façon précise pour arriver à détecter l’apparition du variant. Notre pays souffre particulièrement d’un manque de collaboration/coordination entre le corps médical et les instituts de recherche. Manque de coordination à cause de la compétition entre les groupes. Affligeant.
La grippe c’est 7 à 8 ARN différents. Tous les ans on a un nouveau virus de la grippe. On va avoir une chronicité du SARS COV 2. Le virus Ebola était beaucoup plus dangereux que lui. L’Afrique n’en est venue à bout qu’en isolant drastiquement les malades.
Q. Y a-t-il une question de coordination entre labo publics et privés ?
R. C’est plutôt défaut de collaboration entre labos et corps médical. Un avis de l’Académie a été émis début novembre pour alerter à ce sujet.
Q. Pourquoi Pasteur a-t-il été mis hors course ?
R Quand on fait une recherche, quelquefois cela ne marche pas. Pasteur a choisi de partir d’un vaccin contre la rougeole. C’est un demi échec. Merck responsable du développement – la partie la plus coûteuse – a décidé d’arrêter le développement faute d’effet suffisant du vaccin.
Q. Prospective : Dans combien de temps pourra-t-on vivre normalement ?
R. Je pense que ce sera comme l’année dernière : on va avoir un été agréable avec une reprise à l’automne mais doublement atténuée d’abord du fait des personnes infectées et désormais immunisées, ensuite du fait du développement de la vaccination. Mais on ne sera pas débarrassés du Corona virus.
L’inde a racheté partiellement le vaccin d’Astra Zeneca. Elle le produit et distribue en grandes quantités. Le vaccin Spoutnik est du même type mais il n’a pas (encore ?) été déposé de demande d’autorisation de mise sur le marché à l’autorité européenne du médicament.
Q. Pendant combien de temps le vaccin immunise-t-il ?
R. On ne sait pas encore exactement. Le problème principal est celui des variants.
Q. Y a-t-il un décrochage de la recherche scientifique en France ?
R. Non. La recherche française va bien.Le niveau est bon. Mais on n’a pas assez de chercheurs. Les chercheurs sont mal payés. Si les très bons quittaient le pays, la situation se dégraderait vite.
Sanofi n’a pas eu de chance : les essais cliniques de son vaccin à protéine recombinante avec semble-t-il une dose trop faible ont donné un résultat non satisfaisant. Il leur faut recommencer avec un dosage plus fort. Ce sont les aléas de la recherche.
Oui, la recherche française manque de crédits. La loi de programmation n’a pas amené une augmentation significative. La part du PIB consacrée à la recherche est voisine de 1,5 % du PIB en France contre 3 % en Allemagne. Il n’y a pas assez de start-up et de liens avec l’industrie. C’est dommage car cette pandémie a montré que l’on a besoin de la recherche et que la recherche peut être très efficace.
Q. Il y a aussi des cas graves chez les jeunes de 50 ans. Ce n’est pas qu’une affaire de vieux. Que penser du degré de fiabilité des statistiques mondiales, en particulier en ce qui concerne la Chine.
R. Des études sont en cours pour voir si des facteurs génétiques jouent favorablement dans certaines populations (Corée Thaïlande), Afrique … Se garder de conclusions trop hâtives pour le moment. Pour les jeunes, des symptômes peuvent durer longtemps.
Q. Que pensez-vous du mouvement antivaccs en France ? Comment le traiter ?
R. C’est en France qu’il était le plus fort. Il est sur le reflux. Par ailleurs il faut voir l’origine des réserves à l’égard des vaccins. Le vaccin à ARN messager est très propre, sans effets secondaires significatifs. Globalement, l’allongement de la durée de vie est dû aux vaccins et aux antibiotiques. Les gens l’ont oublié.
Q. Que dire de l’efficacité du vaccin Astra Zeneca ?
R. Pour l’instant on ne peut pas dire qu’il est moins efficace. On peut dire qu’on ne sait pas. Il n’y avait pas assez de personnes âgées dans la cohorte testée.
Q. Le vaccin ARN fait-il courir des risques à long terme sur le génome de celui qui a été vacciné ?
R. On n’injecte qu’un morceau d’ARN. Ce brin d’ARN est déjà très fragile. Pour avoir une modification du génome, il faudrait d’abord que l’ARN « parvienne » au noyau : il faudrait donc qu’il soitd’abord transcrit en ADN grâce à une enzyme, la reverse transcriptase. Il n’y en a pas dans les cellules eucaryotes. La situation est bien differente de celle de l’infection par le VIH car le VIH code une reverse transcriptase. Ce n’est pas le cas pour le Corona. Aucune preuve donc que le corona puisse modifier le génome.
Q. Impact de la perte de la biodiversité sur la pandémie ?
R. Les changements d’habitats, les déforestations ont entrainé des dérèglements qui ont un fort impact sur la biodiversité et sur la présence d’animaux qui se trouvent maintenant dans des endroits où ils ne se trouvaient pas auparavant.
Q. Et la chauve-souris ?
R. Le virus dormait tranquillement chez elle. IL est sans doute passé chez un autre animal puis chez l’homme. Pour se multiplier un virus a intérêt à ne pas être trop virulent pour ne pas détruire l’hôte qui le fait vivre.
Q. Le virus aurait-il une pensée ?
R. Le virus dormait tranquillement chez la chauve souris, c’est ce qu’on a constaté. On n’a pas vu de virus devenir plus virulent.
Q. Je ne comprends pas ce qu’est un virus ? Vivant, pas vivant ?
R. C’est en effet un objet très particulier.Un virus ne se reproduit pas seul au contraire d’une bacterie qui est un microorganisme vivant. Virus = poison. Ils infectent tous les organismes du monde vivant et s’y multiplient.
Q. Pourquoi deux injections ? Quel est le meilleur vaccin ?
R. Je suis vaccinée avec 2 doses du vaccin Pfizer. Je n’ai eu aucune hésitation. Pourquoi 2 doses ? Pour augmenter l’efficacité de la vaccination et la production d’anticorps. Passer laps de temps de 4 à 6 semaines entre les deux injections, me semblait fantaisiste. On en est revenu. Tester son taux d’anticorps après la vaccination peut être utile pour savoir si on est bien immunisé.
Je suis du genre optimiste. Je ne crois pas à l’apparition d’un variant beaucoup plus méchant.
Q. A partir de quand atteindra-t-on l’immunité collective ? On parle de métaux, de vitamine D pour booster l’immunité ?
R. Je ne suis pas en état de répondre à cette question ?
Q. S’agissant du manque de coordination avec le corps médical, y a-t-il des réflexions pour sanctuariser ce domaine de recherche financé avec l’argent public ? Le vaccin est un bien commun. Il faudrait agir au niveau des chercheurs pour les inciter à partager leurs données.
R. Je ne saisis pas ce que veut dire sanctuariser dans ce contexte mais le fait est que la France est un mauvais élève par rapport à l’Allemagne (est-ce dû à Angela Merkel qui est une scientifique ?) et à l’UK : notre corps médical français semble en effet retenir ses données et ne pas les partager. C’est bien regrettable lorsqu’on a affaire à une pandémie telle cell qu’on vit actuellement.
Gérard Piketty
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