Exposé
1/ quelques chiffres :
- Arrivées de migrants en Europe via Méditerranée
- 2008 : 59.000
- 2010 : 9.654
- 2012 : 22.439
- 2014 : 216.054
- 2015 : 1.015.078
- 2016 : 352.822
Si diminution en 2016 :
- Augmentation du nombre de morts ou disparus en Méditerranée : 3.771 en 2015 et 4.742 en 2016
- Progression du nombre d’enfants (27 % en 2016)
- Principaux pays : Syrie 26 %, Afghanistan 13 %, Niger 9 %, Irak 8 %, Érythrée 5 %
- La demande d’asile
D’après les chiffres rendus publics en mars 2016 par Eurostat, l’organisme de statistique de l’Union européenne, la Syrie est actuellement le principal pays d’origine des demandeurs d’asile en Europe. Une position que le pays occupait déjà en 2013 et 2014. Conséquence directe de la guerre civile dans le pays, les Syriens ont été plus de 362 800 à demander la protection de l’Union européenne, soit environ 30% du nombre total de demandeurs. Le nombre d’Afghans a quasiment quadruplé (178 200 personnes) et celui d’Irakiens a été multiplié par sept (121 500 personnes).
Au sein de l’Union européenne, le pays recevant le plus grand nombre de demandes d’asile est, de loin, l’Allemagne. 441 800 demandes ont été déposées en 2015 (soit 35% de l’ensemble des demandes). La Hongrie a également reçu un grand nombre de demandes d’asile sur la même période (174 000), tout comme la Suède(156 100) et l’Autriche (85 500).
En France, 85.244 demandes enregistrées en 2016 (+ 6,5 % en 1 an) et 40 % correspondent à AFGHANISTAN, SOUDAN, SYRIE, ALBANIE et HAITI
- Le contexte francilien
o Constat fin de l’été 2014 par les équipes maraudes, dont celles d’EMMAÜS Solidarité, de campements sur les trottoirs parisiens.
o Première évacuation du campement La Chapelle le 02/06/15, et avancées obtenues par EMMAÜS Solidarité (orientations vers des structures d’hébergement dans la durée et avec accompagnement).
o Après la mort du petit Eylan, annonce du Président de la République en septembre 2015 : accueil 30.000 réfugiés en 2 ans. Ce ne sont pas plus de 3 500 migrants qui ont en effet été « relocalisés » dans l’Hexagone.
o Entre le 2 juin 2015 et le 4 novembre 2016, 30 opérations de mise à l’abri ont été organisées et 23 000 offres d’hébergements proposées, essentiellement concentrées en Ile-de-France.
o Gestion par EMMAÜS Solidarité de 5 structures dédiées (CHU Migrants) représentant 435 places, dont l’ancien Lycée Jean Quarré (ex positif) et le site de Forges les bains (ex négatif)
o Malgré ces efforts, reconstitution des campements dans l’attente que de nouvelles places puissent être mobilisées.
o D’où l’annonce le 31 mai 2016 par la Maire de Paris d’une structure de premier accueil humanitaire afin de pouvoir traiter les situations au fil de l’eau.
o En amont de cette ouverture : Évacuation de Calais et 9000 places CAO (Centres d’Accueil et d’Orientation) créées
3 mois pour travailler un projet et s’accorder avec Ville de Paris et l’Etat
sur un protocole d’accord signé le 16/09/16
- Le dispositif de premier accueil :Un dispositif alternatif à la reconstitution des campements permettant un accueil immédiat et digne des migrants et des orientations adaptées au plan national
Notre ambition pour ce dispositif :
– Au plan des conditions d’accueil et d’hébergement, refus des structures sommaires. Un projet architectural digne, modulaire, à taille humaine, écologique et pouvant être réimplanté ailleurs.
– Au plan de l’accompagnement, une équipe de professionnels avec le soutien de bénévoles. Partenariat avec les autres acteurs spécialisés.
SITE DE LA CHAPELLE
La bulle d’accueil. Réservée à l’accueil des migrants étrangers
Les primo-arrivants de droit commun sont immédiatement réorientés vers les ESI parisiens (115) tandis que les mineurs isolés étrangers sont conduits au DEMIE de Paris. Le public vulnérable est orienté vers le site d’IVRY.
Tous les jours de 8h à 20h.
- Format tenant compte des arrivées en 2016 : entre 50 et 80 personnes par jour
- Structure : conteneurs abrités par bulle gonflable (900 m2)
- Pré-évaluations sur base des déclarations permettant les premières orientations
- Informations sur les droits et les démarches
- Orientations dans la journée
Le Pôle santé 75018
Tous les jours de 9h à 17h
Avec le soutien de l’ARS, présence quotidienne d’équipes médicales, notamment celles du Samu Social de Paris et de Médecins du Monde + EMPP :
- Proposer aux migrants un bilan de l’état de santé, via des consultations.
- Répondre aux petites blessures et besoins du quotidien.
- Effectuer une veille sanitaire et orienter vers le dispositif de droit commun en cas de maladie, d’infection ou de besoin d’examens approfondis.
- Prise en charge des aspects psychologiques.
Moyens
- Personnels de santé.
- Accueil.
- Interprétariat.
La Halle d’hébergement temporaire
Fonctionnement 24/24 et 365/365
- Hébergement temporaire pour 400 places hommes migrants célibataires : 8 ilots de 50 places d’hébergement, dotés de sanitaires (1 pour 8), de salles d’accueil et de restauration et de chambres équipées pour héberger jusqu’à 4 personnes (10 000 m2 sur 2 niveaux, soit 4 ilots par niveau), Important travail sur la signalétique afin de repérer les lieux.
- 1 équipe salariée dédiée par ilot
Missions :
- Satisfaction des besoins vitaux (hygiène, alimentation, hébergement…),
- Accès aux services de santé
- Information (dont droit des étrangers, avec informations de l’OFII)
- Évaluation et réorientation vers un dispositif adapté
Durée d’hébergement entre 5 à 10 jours, afin de mobiliser, avec le soutien du GIP HIS présent sur place, des orientations adaptées et réparties au plan national :
- CHU migrants
- CAO (Centres d’accueil et d’orientation)
- CADA (Centres d’accueil des demandeurs d’asile)
- Plateforme nationale réfugiés (cf : 600 communes volontaires – sept 2015)
Le magasin 75018
- Lieu de stockage et de distribution gratuite, dont kits d’hygiène, linges et vestiaire
- Espace laverie (20 machines lavantes et séchantes)
- Appel au bénévolat pour tri, distribution, laverie + autres actions [ex : traductions, cours de français, animations culturelles et sportives (équipements sur place) …
- Au total à ce jour 500 bénévoles
- Premières interventions des bénévoles sur le site depuis l’ouverture
- Recrutement d’un salarié affecté à la coordination des bénévoles
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Site d’IVRY pour migrants vulnérables (femmes et familles)
Fonctionnement 24/24 et 365/365 (durée de mise à disposition 48 mois)
Mêmes principes que précédemment, 6 ilots de 67 personnes et 8 yourtes (restauration et animations)
Spécificités :
- 350 places personnes vulnérables migrantes qui bénéficient d’un accompagnement spécifique, dans le but de les orienter ensuite vers des structures dédiées pour demandeurs d’asile, partout en France :
– 70 femmes isolées
– 130 personnes en couples sans enfant
– 150 personnes en familles
- 50 places pour des personnes issues de campements sur Ivry
- 83 CDI
- Durée prévisionnelle hébergement = 3 mois
- Un pôle Santé coordonné par le Samu Social avec des interventions hebdomadaires de partenaires (Médecins du Monde, Pédiatres du Monde et Gynécologie Sans Frontières)
- Volet enfance : parentalité, scolarité assurée par des enseignants volontaires dans 4 classes intégrées
91 premières places ouvertes sur Ivry le 19/01/17
Les moyens
SALARIES
Pour les 2 sites : 200 salariés (117 Ney + 83 Ivry)
- Partenariat intensif avec Pôle emploi
- Les travailleurs « pairs »
- Le parcours ES d’intégration avant les ouvertures ainsi que les formations (OFPRA, sensibilisation aux questions de santé, explications sur les migrations…)
- Le rôle prépondérant des auxiliaires socio éducatifs
FINANCIERS
- Investissements Ney : 7 M€, Etat = 20 % + VdP = 80 %
- Fonctionnement Ney : 12M€/an
– Bulle accueil : État = 50 % + VdP = 50 %
– Hébergement : État = 100 %
– Santé : État = 100 %
Les premiers résultats
Durée moyenne hébergement sur Ney = 8.2 jours
Origine pays
- Afghanistan 37 %
- Soudan 31.2 %
- Somalie 7.6 %
- Erythrée 7.4 %
- Ethiopie 3.8 %
- Pakistan 2.5 %
- Guinée 2.5 %
- Tchad 1.9 %
- Lybie 1.6 %
- Autres 4.5 %
Pas de syriens
Age moyen 25 ans
Moyenne entrées par jour 55.7. Moyenne sorties par jour 54
Donc après 3 mois d’activité bilan positif, notamment au regard des 4.686 ménages qui ont ainsi pu éviter des situations de campements à la rue, et être, après un soutien dans l’élaboration de leurs projets d’intégration en France, orientés vers des dispositifs adaptés.
Écueils évités
– Acceptabilité du quartier
– Formation des salariés embauchés par l’État (1 mois avant le début de l’accueil)
Mais il y a encore des gens qui attendent dans la rue. On a mis en place un système de RDV. On cherche à accélérer les flux (photomatons installés) ainsi qu’à installer 200 places supplémentaires d’hébergement. La solution serait d’essaimer ce genre de dispositif dans les grandes villes qui sont sur le parcours migratoire (Lyon, Lille , Strasbourg.
Qu’adviennent les migrants au terme de leurs séjour en CAO (3 mois) ? On espère que la moitié obtiendra le statut de demandeur d’asile. Le reste risque de revenir sur Paris.
Débat
Q1. Pourquoi l’UE n’a-t-elle pas établi un dispositif d’orientation vers les différents pays ?
Q2. On a fait des choses positives à mettre au compte du gouvernement actuel, mais le problème est déplacé : comment va-t-on intégrer les afghans et autres alors que le logement entre autre est impossible ?
Q3. Mes petits enfants vont à l’école près de Stalingrad, la saleté est honteuse. Bravo pour la qualité de l’accueil (Je travaille au pôle, santé) mais il faut nettoyer. Il faut un Emmaüs poubelles. Les gens affichant « famille syrienne » sont des Roms !
Q4. Quelque chose a enfin bougé au sommet, pourquoi cela ne s’est fait qu’à Paris
- Il y a deux points principaux de première fixation sur le territoire : Paris et Calais et il y a eu le coup de sang d’Anne Hidalgo du 31 mai 2016. En vérité on a bénéficié d’un « alignement de planètes » qui ne se renouvellera pas.. Il faut évaluer l’opération pour provoquer l’essaimage ailleurs.
Sur les Roms : cette énergie devrait aussi être déployée dans leur direction. Une priorité chasse l’autre par manque d’ambition politique pour chasser la précarité.
Sur le nettoyage, je ne me sens pas responsable. C’est la conséquence des queues. Nous avons des faux amis qui leurs distribuent de l’aide (couvertures qui restent dans la rue, déchets alimentaires sur le terre-plein en face du centre. La police est venue nous aider à remettre de l’ordre. Il y a des choses qu’on ne peut pas cautionner.
Sur le fond, il faut mieux formater le dispositif au flux des arrivées et arriver à essaimer dans d’autres villes.
Question sur l’UE ? C’est effectivement l’échec de l’Europe. Effet ravageur des incidents de Cologne sur l’incendie du CAO de Forges les Bains. L’Angleterre a aussi des méthodes curieuses.
Q5. Quid après les CAO ?
- On en arrivera au problème du logement mais Il ne faut pas l’aborder par des dispositifs supplémentaires dédiés aux migrants. Il faut travailler sur les « droits communs ».
L’opération « Calais » s’est traduire par l’envoi de 5465 migrants vers 301 CAOs dans 85 départements et de 1980 mineurs vers des CAOMi. La moitié devrait devenir des demandeurs d’asile. Il va être nécessaire de faire une évaluation des CAOs et du résultat de la demande d’asile. Quant aux « Dublinés », ils sont tous envoyés en CHmigrants.
Q6. Avez-vous travaillé avec le département du Val de Marne pour le centre d’Ivry ?
Q7. Avez-vous une idée de ce que sont devenus les gens après le CAO ? Reviennent-ils dans les grands centres métropolitains ?
Q8. Y a-t-il des études faites sur les motivations de la venue en France de ces migrants ? Pourquoi beaucoup de migrants se sont-ils arrêtés en Hongrie ?
- On a un taux d’encadrement très élevé à Ivry : un salarié pour quatre personnes. Paris fournit 40% des capacités d’hébergement de la Région alors que la ville ne représente que 20%% de la population. Paris ne peut être accusée de se défausser sur sa banlieue. Ivry aura un très gros pôle santé. À Calais, 82% des migrants ont renoncé à aller en UK puisqu’ils sont devenus demandeurs d’asile.
Pourquoi les migrants viennent-ils ? On va y mettre des doctorants. Quant à la Hongrie, la raison en est la fermeture brutale des frontières qui a mis fin aux parcours migratoires.
Q9. Concernant les Afghans, j’ai pu m’apercevoir d’un décalage important entre la réalité et le discours qui leur a été tenu lors de l’évacuation du camp. On leur posait beaucoup de questions piégeantes pour montrer qu’ils mentaient. Ce sera la cause de difficultés à venir.
Q10. Cause du succès pour trouver des bénévoles ?
Q11. Les personnes en CADA sont-elles autorisées à travailler ?
Q12. Quels sont les liens existants ou à faire émerger entre votre expérience et l’OFPRA ?
Q13. Il y a pas mal de contradictions dans les politiques publiques, par exemple aider à 100% et procéder ensuite à des expulsions ou des poursuites contre les immigrés.
- Que la police fasse évacuer un campement, on peut comprendre. Gérer un centre d’accueil, c’est permettre d’éviter des campements. Il faut saluer le courage d’A.Hidalgo et d’E.Cosse mais la situation est beaucoup plus contrastée avec le ministère de l’Intérieur : la belle circulaire de 2012 sur le DALO est appliquée de façon très variable suivant les préfectures.
On a beaucoup travaillé avec l’OFPRA : les délais d’instruction ont été raccourcis. Il y a une augmentation des reconnaissances du droit d’asile.
Quant au bénévolat, c’est un métier. On a fait des fiches de poste qui sont sur les sites de la ville de Paris. Il y a aussi des volontaires du service civique dans les pôles santé.
Il fallait faire Calais. Mais il faut aussi évaluer les CAOs.
Q14. L’échec du processus de Dublin va-t-il être pris en compte ?
- C’est plein de contradictions et d‘accommodements pratiques mais le sujet est explosif et les États préfèrent avancer masqués….
Gérard PIKETTY
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