François Colly présente la soirée en expliquant que François Héran, qui devait intervenir a été empêché. Christophe Deltombe, en sa qualité d’ancien président de la Cimade, a accepté de le remplacer. Christophe Deltombe propose de présenter d’abord quelques grands traits des migrations internationales, en Europe et en France, pour ensuite tenter de réponse à 3 questions : la France est-elle attractive ? La France est-elle généreuse ? La France a-t-elle besoin des migrants ? Et enfin il abordera quelques aspects de la loi qui vient d’être votée par le Parlement et est soumise en ce moment à l’examen du Conseil Constitutionnel.
Intervention de C. Deltombe
Les migrations ont de tous temps existé et c’est un phénomène mondial qui s’est accéléré ces derniers temps du fait des guerres, des dictatures, des politiques discriminatoires, mais aussi de la mondialisation des études supérieures et du développement des pays (ce ne sont pas les plus pauvres qui migrent).
Entre 2000 et 2020, le nombre de migrants dans le monde est passé de 173 millions à 281 millions de personnes soit + 62%. 15% ont moins de 20 ans et 73% sont en âge de travailler. La plupart migrent dans leur propre pays ou dans les pays limitrophes. En 2022, 3,5 millions de non européens ont obtenu un titre de séjour en Europe, mais en même temps 350 000 personnes entraient illégalement (à rapporter aux 752 millions d’habitants en Europe).
Mais les opinions publiques sont de plus en plus hostiles aux migrants en Europe et dans le monde occidental en général, ce qui conduit les gouvernements à adopter des politiques visant à la réduction des immigrations légales et illégales, en réduisant les voies d’accès aux titres de séjour, par le blocage des frontières et l’externalisation de la gestion des flux.
Quelques dates emblématiques de la politique européenne de réduction des flux migratoires
D’abord il faut rappeler que l’augmentation significative des flux migratoires date des
années 2000.
- En 1999, le sommet de l’UE à Tampere en Finlande a adopté le principe d’une gestion concertée des frontières de l’Europe et des demandeurs d’asile.
- Les accords DUBLIN II (2003) et III (2013) ont institué le principe du pays premier visité, premier responsable du traitement de la demande d’asile.
- Au Conseil européen de Séville en 2002, il a été décidé d’introduire des clauses de réadmission dans tous les accords de coopération avec les pays tiers à l’UE
- En 2005, création de l’agence Frontex chargée de l’aide au contrôle des frontières de l’espace Schengen. Budget actuel 845 millions, mais très contestée pour sa gestion et ses abus (pratiques de refoulement en mer Egée).
La politique d’externalisation des frontières peut être résumée par les étapes suivantes :
- Des accords entre l’Italie et la Lybie pour le contrôle des départs de migrants en Méditerranée dans les années 2008, très critiqués du fait des maltraitances dans ce pays, ont néanmoins été relayés par des accords UE-Lybie en 2011 (financement des matériels et de formation des gardes-frontière).
- 2015, accord avec le Niger : financement d’une aide à l’assistance aux frontières ce qui entraine un chômage des nombreux transporteurs d’Agadès. Mais la Junte au pouvoir vient d’annuler ces accords et redonner espoir aux transporteurs d’Agadès !
- 2016, accord UE-Turquie visant à renvoyer en Turquie les illégaux et à relocaliser dans ce pays les demandes d’asile pour l’Europe, contre 6 milliards d’euros.
- 2018, tentative de créer des hotspots en Méditerranée qui avorte en vertu du principe de non-refoulement.
- Pourtant Giorgia Meloni signe en 2023 avec l’Albanie un accord d’installation dans ce pays d’une zone d’accueil des rescapés de la Méditerranée et tente d’échapper au principe du non-refoulement par la fiction d’une « zone italienne provisoire » en Albanie.
- La GB avait signé un accord avec le Rwanda prévoyant l’envoi dans ce pays des illégaux présents sur son territoire, accord annulé par le Cour Suprême de GB le 15 novembre 2023 au nom du principe de non-refoulement.
En France
En 2022 il y avait 7,8 millions d’immigrés soit environ 10,3% de la population. 32% venaient de l’UE et 48% d’Afrique.
La France a accordé en 2022 108 000 titres de séjour aux étudiants, 95 000 aux membres des familles au titre du regroupement, 51 000 pour raisons économiques, 40 000 pour raisons humanitaires et 27 000 pour causes diverses soit au total 316 174 titres de séjours accordés.
L’asile a été accordé à 56 000 personnes sur les 137 000 dossiers examinés.
La France est-elle attractive ?
C’est ce qu’affirment les tenants d’une réduction drastique des droits des migrants pensant qu’il faut réduire cette attractivité et les « appels d’air ». Cette question est à examiner en comparaison des pays voisins, pour autant que l’attractivité s’apprécie de manière relative.
La part des étrangers dans la population est un premier critère même si de nombreuses considérations autres que l’attractivité entrent en jeu. Par rapport à la population totale des pays, la part des étrangers est de 18,9% en Allemagne, 14,8% dans les pays nordiques, 14,2 % au Royaume-Uni et en Irlande, 12,3 % en Europe du sud et seulement 10,3 % en France.
La progression de l’immigration est également intéressante. Ainsi on a pu noter que depuis 2000, celle-ci a été de 181% en Europe du Sud, 121% dans les pays nordiques, 100% en UK et Irlande, 50% en moyenne en Europe et seulement 36% en France.
Autre indicateur, les choix de pays de destination des demandeurs d’asile, avec les réserves dues à d’autres considérations que l’attractivité : 53% des demandeurs d’asile Syriens ont demandé à aller en Allemagne contre 3% en France, 48,3% des Irakiens ont choisi l’Allemagne contre 3,5% la France, 34% des Afghans ont choisi l’Allemagne contre 11% la France, 41% les Ukrainiens l’Allemagne contre 4 ,8% la France.
Ces quelques éléments permettent de penser que la France n’est pas un pays attractif comparé à ses voisins européens.
La France est-elle généreuse ?
Certains prétendent que l’asile est accordé en France de manière inconsidérée. Si on compare l’asile accordé par les pays européens par rapport à sa population, pour 10 000 habitants l’asile est accordé en 2022 à 288 personnes en Suède, 180 en Allemagne, 145 en Suisse, 140 en Norvège, 113 en Grèce, 87 en Belgique et seulement 52 en France. Quant aux Ukrainiens, la France est bonne dernière de l’Europe quant à l’attribution de titres de séjour exceptionnels.
La France a-t-elle besoin de main-d’œuvre (MO) ?
En fait, c’est toute l’Europe qui a besoin de main-d’œuvre. En 2022, plus de 3% des emplois vacants restent inoccupés soit environ 6 millions.
En France 94% des chefs d’entreprise déclarent avoir du mal à trouver des candidats, 87% en Allemagne. En Autriche, 250 000 emplois sont vacants. La pandémie a entrainé un retour important de main d’œuvre vers les pays d’origine de l’Est de l’Europe, mais la guerre en Ukraine a conduit ses ressortissants à répondre à la conscription générale, et même en Europe de l’Est la pénurie existe.
Dans les pays occidentaux, il va falloir combler le besoins à hauteur de 7 millions en Allemagne, 3,6 millions au RU et 3,9 millions en France dans une échéance proche si l’on en croit les organismes patronaux et les services étatiques de MO.
Examen de quelques dispositions problématiques de la loi immigration récemment votée par le Parlement
Article 3 devenu 27 : emplois en tension
L’intention initiale était louable qui visait à régulariser les étrangers occupant des emplois ans les métiers en tension. Le projet de loi prévoyait une titularisation de plein droit pour les personnes en France depuis 3 ans au moins, ayant travaillé au moins 8 mois au cours des 2 dernières années dans des métiers en tension. Le passage par le Sénat et la négociation en CMP a abouti à augmenter à 12 mois de travail dans les 2 dernières années mais surtout à supprimer l’attribution de plein droit du titre de séjour qui supposera désormais l’accord du préfet lequel sera discrétionnaire. Néanmoins l’exigence actuelle de l’accord de l’employeur (prévue par le projet de loi) reste supprimée, ce qui est positif.
Art. 17 Rétablissement du délit de séjour irrégulier
Le séjour irrégulier autrefois réprimé avait disparu dans la loi du 31/12/2012 pour s’aligner sur la jurisprudence européenne. Son rétablissement et la rédaction de cet article est problématique car dire que ce délit ne sera constitué que lors de la mise en œuvre de la procédure de « retenue aux fins de vérification du droit à circulation » risque de conduire à un nombre considérable d’infractions constatées et à un encombrement des tribunaux si ceux-ci sont saisis. De plus, cette population est le plus souvent dans l’incapacité de payer une amende de 3750 €.
Art. 19 Accès aux prestations sociales
Pour l’accès aux droits pour les personnes en situation régulière, il est institué des délais de 3 à 5 ans d’attente pour le Droit au logement, Le Droit à l’APL, les prestations sociales, allocations familiales, allocations logement, APA. Certes les étudiants échappent à ce délai d’attente, mais pour les travailleurs, c’est l’instauration du principe défendu par l’extrême- droite, de la préférence nationale.
Art 67 remise en cause de l’inconditionnalité de l’accueil en hébergement
Ce principe consacré par l’article L 345-2 du code de l’action sociale et des familles (CASF) est contredit par cette disposition visant à supprimer ce droit aux personnes ayant reçu une OQTF (obligation de quitter le territoire français) « en cas de mise en œuvre de son éloignement », formule elliptique qui, si ce texte est maintenu par le CC, entrainera des problèmes d’interprétation. En outre, c’est parfaitement contraire aux principes traditionnels appliqués par tous les centres d’hébergement d’urgence et à l’éthique professionnelle des travailleurs sociaux qui refuseront de se transformer en contrôleurs de la
situation administrative des personnes à la rue.
Caution retour des étudiants étrangers
Une caution devra être versée par l’étudiant étranger qui lui sera remboursée à son retour dans son pays. Le montant sera fixé par décret, ce qui veut dire que le montant symbolique de 10€ indiqué par Elisabeth Borne, gênée par cette mesure, pourra être porté à 10 000 € voir plus, par le RN s’il arrive au pouvoir, ce qui est particulièrement dissuasif.
Multiplication des OQTF
Les déboutés du doit d’asile se verrons délivrer automatiquement une obligation de quitter le territoire avec la fin automatique du DNA (dispositif national d’accueil). Jusqu’ici ce n’était pas systématique. Sachant que la France a « réussi » à expulser un peu plus de 19 000 personnes en situation irrégulière en 2022, ce qui est insignifiant au regard du nombre d’OQTF délivrées et aux quelques 350 000 à 450 000 personnes en situation irrégulière en France.
Débat parlementaire sur l’immigration
Un tel débat est instauré, qui visera essentiellement à fixer des quotas (emplois en tension, nombre de visas et de titres de séjour accordés pour 3 ans. Limitation du nombre d’étudiants autorisés à rester en France à la fin de leurs études etc.) Bref le moyen de porter atteinte au rayonnement de la France dans le monde et de limiter les réponses au besoin de MO !
Les paradoxes français
Si l’on compare les indices de tolérance des étrangers par la population française, on constate que celle-ci est en progression constante depuis les années 80/90 sur le droit de vote des étrangers et l’idée que les étrangers enrichissent la France (76% des Français le pensent en 2022) progression qui va de pair avec un recul des préjugés et une élévation du niveau d’éducation. Néanmoins, la radicalisation du discours de la droite, en chasse de l’électorat de l’extrême droite et la montée du populisme dans toute l’Europe (et dans le monde !) conduit à cette contradiction : on a besoin de MO mais on exprime un refus de la
seule solution malgré une démographie insuffisante.
Cela conduit à des discours absurdes et à cette frénésie législative sur cette question qui aurait mérité une approche plus rationnelle. Il est choquant qu’aucune étude d’impact, habituelle en matière législative, n’ait été programmée ni aucun bilan des lois antérieures pourtant nombreuses.
Les tentations illibérales de certains visant à remettre en cause la signature française de textes conventionnels de protection est symptomatique de ce climat délétère qui emprunte au protectionnisme, à la xénophobie et à l’électoralisme.
Les ONG sont particulièrement déroutées par le comportement des gouvernements successifs et par les ministres de l’intérieur qui ferment les portes des préfectures et obligent à remplacer le dialogue, qui existait traditionnellement entre l’administration et ces ONG, par les actions judiciaires. Toutes les ONG s’y mettent aujourd’hui. C’est grâce à l’action concertées de ces dernières avec Cedric Hérrou, en procédure face au parquet voulant le faire condamner pour « délit de solidarité », que, par une QPC, le Conseil Constitutionnel a déclaré que la fraternité (au fondement de la solidarité désintéressée) est un principe constitutionnel. Cela a mis fin à toutes les procédures des parquets sur ce point, procédures qui n’auraient jamais dû être engagées par un pouvoir politique respectueux des principes républicains. Mais celui-ci est manifestement soupçonneux à l’égard des ONG depuis quelques années.
Intervention de François Colly
La loi Immigration votée par le Parlement le 19 décembre 2023
Quel seraient le sens et la portée de l’intervention du Conseil Constitutionnel sur la loi immigration ?
Le président de la République ainsi que des membres de la majorité elle-même, dont la Première ministre et le ministre de l’intérieur, se sont exprimés pour dire qu’ils sont conscients que certaines dispositions de la loi immigration sont inconstitutionnelles. Il est particulièrement choquant de voir que les auteurs mêmes du projet de loi affirment que le texte qu’ils ont porté, puis mené au vote d’adoption après discussion, comporte des dispositions contraires à la Constitution, et qu’il appartiendra au Conseil constitutionnel, ainsi instrumentalisé, de censurer les articles inconstitutionnels. Ils devront enfin saisir le Conseil constitutionnel sur le texte de la loi qu’ils ont voulu. Le Président de la République a lui-même saisi le Conseil. Il s’agit en réalité de faire trancher par le Conseil constitutionnel, par le droit, une situation de conflit politique qui aurait du être résolue par les autorités politiques.
Que pourrait faire le Conseil constitutionnel ?
Il pourrait soit censurer la procédure d’adoption du texte telle qu’elle a été menée, ou, du moins la critiquer fermement en indiquant qu’elle est à la limite de la régularité, soit surtout déclarer inconstitutionnelles certaines dispositions de fond de la loi.
En ce qui concerne la procédure, on rappellera que le projet de loi présenté par le ministre de l’intérieur a d’abord été adopté par le Sénat fortement amendé par les sénateurs LR. Ensuite, transmis à l’Assemblée nationale, celle-ci a, avant tout examen au fond, refusé d’en discuter en adoptant une motion de rejet préalable. Devant le désaccord entre les deux assemblées, le Gouvernement a provoqué la réunion d’une commission mixte paritaire (CMP), composée à parité de députés et de sénateurs, chargée de proposer un texte commun aux deux assemblées. Parallèlement à la tenue de la réunion de la CMP, dans la nuit, une autre réunion informelle s’est tenue entre les responsables des groupes LR des assemblées, l’Elysée et Matignon aboutissant à un texte de compromis reprenant l’essentiel des amendements LR adoptés par le Sénat. Ce texte est devenu le texte de la CMP, accepté par le Gouvernement, puis soumis au vote des assemblées et adopté par elles le 19 décembre pour devenir la loi immigration.
La procédure d’adoption est très contestable en ce que la loi n’a fait l’objet d’aucun examen approfondi au fond par l’Assemblée nationale. Toutefois, il peu probable que le Conseil constitutionnel considère que la procédure d’adoption du projet de loi entraîne son inconstitutionnalité. Sa jurisprudence, illustrée par plusieurs décisions antérieures (CC 18 nov. 1986, 30 déc. 1995, 19 juin 2008, 29 déc. 2012), ne censure pas d’inconstitutionnalité des pratiques procédurales brutales ou hâtives (motions de rejet d’examen au fond…) destinées à accélérer la procédure d’adoption de lois par le Parlement. Il paraît peu probable que le Conseil déclare la loi immigration inconstitutionnelle dans son ensemble pour irrégularité de sa procédure d’adoption.
Sur le fond il est assez certain que le Conseil constitutionnel censurera un bon nombre de dispositions de la loi immigration.
Il convient tout d’abord d’indiquer que le Conseil constitutionnel a eu maintes fois l’occasion de rendre des décisions en matière de droit des étrangers et d’immigration, en particulier dans sa décision du 13 août 1993 (n° 93-325 DC) à propos de la loi Pasqua. Il a dégagé les traits d’un statut constitutionnel de l’étranger dont on peut indiquer les principes.
D’abord, aucun principe constitutionnel ni règle constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère généraux et absolus d’accès et de séjour sur le territoire national ; donc les conditions d’entrée et de séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative sous le contrôle du juge. Ensuite l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière constitue une exigence de valeur constitutionnelle et participe de la sauvegarde de l’ordre public. En outre, l’examen de la constitutionnalité d’une loi ne s’opère pas par comparaison des lois successives, mais en fonction des nécessités politiques choisies à tel moment ; un durcissement d’une loi par rapport à une loi antérieure est possible. Il n’existe pas « d’effet cliquet » consacrant une avancée sans retour en arrière, à la différence
d’autres domaines. Ce qu’a fait une loi, une autre peut le défaire.
Toutefois, les lois contenant des dispositions spécifiques et restrictives doivent respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire français. En outre, certains droits et libertés découlent de conventions internationales telles que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH), la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Convention de Genève relative au statut des réfugiés de 1951….
Quels sont ces droits et libertés ?
- La liberté individuelle (art.66 de la Constitution) qui interdit toute détention arbitraire.
- La liberté d’aller et de venir, la liberté de mariage et le droit de mener une vie familiale normale (regroupement familial…), le droit à la protection sociale, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine…
- Le principe d’égalité, qui n’interdit pas d’exclure les étrangers de certains droits, notamment politiques, ni de distinguer les étrangers en situation régulière et en situation irrégulière. Les différences de traitement doivent être justifiées par une différence de situation (régulière/irrégulière, nationaux/étrangers…)
Quelles dispositions de la loi immigration seraient contraires aux principes constitutionnels et susceptibles d’être censurées par le Conseil ?
Elles sont nombreuses et variées. De manière générale il s’agit de toutes dispositions contraires aux droits et libertés fondamentaux constitutionnels et en particulier à ceux concernant les étrangers :
- Les « cavaliers législatifs » d’abord, c’est-à-dire des dispositions au contenu étranger à l’objet d’une loi, insérées par le Gouvernement pour qu’elles soient votées facilement, sans attirer l’attention, avec la masse des articles importants d’un projet de loi.
- Ensuite, des dispositions de la loi insuffisamment précises et complètes par lesquelles le Parlement, méconnaissant sa propre compétence, renvoie à l’intervention de décrets la fixation de règles relevant de la compétence du Parlement.
- Ou encore, « l’inintelligibilité » de certaines dispositions de la loi en raison de leur imprécision, de leur mauvaise qualité rédactionnelle ou de leur incohérence : par exemple, dans la loi, les conditions de délivrance de la carte de séjour « vie privée et familiale » à un étranger marié à un(e) français(e) subordonnées à la possession d’un « logement normal pour un ménage sans enfant », alors qu’existe la définition usitée en droit de « logement décent ». Par exemple s’agissant des étudiants étrangers, d’une part le renvoi à un décret pour la fixation du montant de la « caution de retour » sans définition de critères de fixation, d’autre part le montant des droits d’inscription exigibles, dans l’enseignement supérieur, sans encadrement de leur « modicité » ni de prise en compte des capacités financières des étudiants. Par ailleurs, le délai imposé de 5 ans de présence pour bénéficier des allocations familiales n’est-il pas excessif au regard du respect des droits sociaux des étrangers… ? Le délai imposé de 24 mois pour former une demande de regroupement familial n’est-il pas excessif au regard du droit de mener une vie familiale normale… ?
Le Conseil constitutionnel, en raison du très grand nombre de mesures éparpillées dans la loi devra nécessairement, et dans un temps très bref, effectuer un examen très détaillé et précis de chaque disposition du texte pour exercer son contrôle.
Dans le dernier point de son intervention ci-dessus, Christophe Deltombe a clairement examiné plusieurs cas précis de dispositions de la loi problématiques et susceptibles de censure de la part du Conseil constitutionnel.
La décision du Conseil devrait être rendue le 25 janvier 2024.
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