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06/06/2016 - Avenir de la gauche française - Patrick Braouezec

Exposé

La France est à l’origine de l’appellation gauche-droite : le Tiers État siégeait à gauche de l’hémicycle. Depuis la gauche est toujours assimilée à la défense du peuple. L’affaire Dreyfus a fortement marqué le clivage gauche-droite qui a coïncidé avec l’avènement de la grande industrie. Dans les années 60s il est alors assimilé au clivage classe ouvrière/patronat avec deux courants : une gauche réformiste et une gauche révolutionnaire à partir de 1920 avec la création du PC.

Que reste-t-il de ce clivage ? Un certain nombre de valeurs : famille, religion, sécurité à droite ; justice sociale, liberté, laïcité, éducation, volonté d’agir à gauche. D’autres éléments viennent s’y rajouter avec le tournant de mai 1968. Des problèmes sociétaux voire moraux au plan des valeurs ; des forces politiques nouvelles : le gauchisme, la gauche prolétarienne ; des idées nouvelles comme le bonheur. Puis surviennent la chute du mur de Berlin, celle du communisme qui laisse Bérégovoy aussi peiné que Jack Ralite.

D’autres évènements seront souvent négligés par la gauche : le forum social de Porto Allegre qui ne tiendra que quelques années faute de relais politique ; le référendum sur le projet de traité constitutionnel de 2005 où il n’y aura pas de projet de gauche. La présidentielle de 2007 suscitera la recherche d’un candidat à la gauche du PS (Bové, Besancenot…).

Aujourd’hui voit la nécessité d’une autre façon de faire de la politique. La forme pyramidale est obsolète. Il faut des réseaux. Il faut trancher sur la relation au capitalisme car on est passé d’un capitalisme industriel à un capitalisme financier. Personne ne s’émeut que 62 familles possèdent autant que 2 milliards d’habitants. Il faut sauver le capitalisme contre lui-même sinon gare à l’extrême droite.

Négligence de la gauche aussi face au phénomène de l’abstention : 20 à 25% de participation dans les quartiers populaires (un élu représente 5 à 6% de la population !). On a toujours considéré que la gauche au pouvoir allait faire le bonheur des gens mais la gauche au pouvoir a refusé de s’appuyer sur le mouvement social.

Quelque chose de nouveau se passe à gauche. Ce n’est pas encore structuré. Ce n’est plus au niveau des nations que les possibilités de transformation peuvent éclore, mais bien au niveau des métropoles aujourd’hui « exclusives, ségrégatives ». C’est une véritable interrogation au plan mondial (cf. conférence « Habitat III » à Quito en octobre 2016 sur le développement urbain durable). Ce ne sont pas les villes capitales qui avancent mais celles de la périphérie. Que va devenir le « Grand Paris ». Il faut mettre les besoins des habitants avant l’ « attractivité »de la ville. Passer de 11 à 13 Mh au risque de mettre en difficulté les villes moyennes et la ruralité ?

La gauche est traversée par de nouvelles questions posées par des mouvements citoyens (Nuit Debout …). Les partis doivent se mettre à la disposition des ces mouvements et des décisions transversales. Attac avait essayé mais cela n’a pas débouché.

Quel avenir dans les mois et années qui viennent ? Les partis socio-démocrates font-ils encore partie de la gauche ? De même pour le PC. La question du libéralisme économique est posée. Je ne suis pas contre mais il faut l’encadrer. Comment définir 10 ou 20 axes de gauche qui fassent un projet de société réaliste inscrit à gauche ? Remise en cause de la consommation ? Question du travail posée avec les conséquences de la robotisation (3 à 6 M d’emplois supprimés par le numérique) ? J’y travaille avec Bernard Stiegler. Il faut anticiper, remettre le travail au cœur du projet de société. On a été missionnés par Macron et Placé à Plaine Commune pour y réfléchir : problème des imprimantes 3D ; charte avec la Poste ou on automatise et ne met plus d’agents dans les agences. Automatiser et remplacer des emplois pénibles par des machines, oui mais à condition de pourvoir en travaux qui valorisent. Macron a une vision contemporaine de la société dans laquelle nous vivons que je préfère à celle de Valls. C’est un homme d’avenir alors que Valls vient du passé.

L’avenir de la gauche passe par un projet politique qui fasse rêver. Il faut une utopie mais aussi des réponses concrètes capables de rassembler des gens différents. Cette articulation est le seul avenir possible pour la gauche qui doit se transformer dans son organisation et son rapport aux citoyens.

Débat

      Q1. Qu’est ce qu’un parti ? Une machine à prendre le pouvoir d’État mais très pauvre en idées ?

  1. Il faudrait plutôt parler de la responsabilité d’agir. Horreur du pouvoir non partagé (question du cumul des mandats et surtout de la durée des mandats). La gauche aurait intérêt à y réfléchir. On n’a sans doute plus besoin d’organisations pyramidales. Il faut se mettre à la disposition de ceux qui ont des idées, des expériences faites ici ou là. Il faudrait être en mesure de faire la somme de ces expériences.

      Q2. J’adhère à votre logique « local + international ». La pensée dominante se construit au plan mondial avec des moyens considérables. N’est ce pas la faute de la gauche de n’avoir pas assez investi à ce niveau ? Comment reprendre cet effort.

      Q3. Sur le légitimité des partis : le temps du politique est celui de l’élection. Le temps d’élaboration des initiatives locales dans la société est un temps long. Si les partis ne comblent pas ce trou, où se comblera-t-il ?

      Q4. Vous avez opposé démocratie directe et démocratie représentative. Faut-il la balancer et si oui comment fonctionnera-t-on ? Les membres des partis politiques décident en fonction d’intérêts personnels. Les actions « formidables » au plan local sont fragiles face au capitalisme financier très fort.

      Q5. L’abstention tient au fait qu’on a le sentiment qu’on ne peut pas grand chose pour changer le cours des choses : il y a l’UE, la compétition de tous contre tous. Les élites mondialisées fuient l’impôt. Comment faire face ? Cette impuissance n’est-elle pas la cause du problème de la gauche ?

 

  1. Aujourd’hui on a la mainmise des GAFA sur toute notre vie. On baisse trop les bras devant eux qui sont financés par le ministère US de la Défense ? En Europe, rien.       La démocratie représentative oui, mais elle est à bout de souffle. Elle ne tiendra pas longtemps comme cela avec un tel risque d’explosion.         Le temps politique est plus long que le temps des mandats. La continuité est basée sur un projet politique qui peut être porté par des hommes divers. C’est pour cela que je ne supporte pas la candidature de Mélenchon : d’abord le projet. Soit on a un projet soit on tire au sort pour désigner notre candidat ! Il faut rompre avec le régime présidentiel qui nous empoisonne la vie. Les primaires ne font qu’amplifier le problème avec la recherche de l’homme providentiel.        Le statut de l’élu ? J’ai été 20 ans instituteur et n’ai jamais pensé être élu ailleurs qu’à Saint Denis. On voit des élus sans expérience professionnelle. Que deviennent-ils lorsqu’ils ne sont plus élus et que la MNEF n’existe plus ?          La démocratie participative ne peut être tout et n’importe quoi. Les élus doivent être plus forts dans leurs convictions : il y a des choses négociables et d’autres qui relèvent du choix.         Il faut sortir de l’ère de la compétition internationale pour entrer dans celle de la coopération internationale.

      Q6. L’éducation nationale dit que l’échec scolaire est de l’ordre de 20% et de 40% dans les secteurs défavorisés. Quelles actions possibles selon vous ?

      Q7. Qu’est ce qui va pouvoir rassembler politiquement les initiatives diverses pour changer la société pour les porter à la présidentielle de 2017 ?

      Q8. Nous avons deux devises : d’une part « Liberté, égalité, fraternité » d’autre part à la CGT « Bien être et liberté ». Que dites-vous du rang différent fait à la « Liberté » ?

      Q9. Pour moi le PS est mort. Hulot pourrait rassembler les gens et gagner la présidentielle avec un projet (Chacun à sa place. Pas d’écart monstrueux de revenus. Pas de politique productiviste …)

 

  1. Le système éducatif est en grande difficulté avec plus de postes à pourvoir que de candidats. Beaucoup d’initiatives dans les communes pour accompagner les élèves (temps scolaire). C’est quoi l’échec scolaire ? On a trop attendu.

L’écologie est de gauche. La question de la remise en cause du système capitaliste qui mène la planète à la ruine est posée.

Les candidats anti système comme l’étonnant B. Sanders aux USA commencent à apparaître dans la gauche. Avec Hulot on pourrait gagner.

Le pire pour 2017 serait d’avoir les mêmes candidats qu’en 2012 : tout un débat pour rien d’important. Où serait le projet porté ? La seule alternative pour la gauche est d’avoir un projet que les partis acceptent d’accompagner . Il faut des équipes prêtes à retrousser les manches et à faire émerger les talents.

 

Gérard Piketty

 

 

 

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