Le système républicain semble avoir bien intégré les populations issues de l’immigration jusque dans les années 1980 en favorisant leur intégration par » assimilation » aux valeurs de la République. La société avait » foi » dans ses valeurs et les outils d’intégration qu’elle déployait : le travail, l’école, le logement étaient efficaces pour faire partager ces valeurs à ces populations.
On constate aujourd’hui que l’intégration est en difficulté, lorsqu’on voit l’émergence de formes de communautarisme contraires aux principes mêmes de la République.
L’intégration est en panne lorsqu’on observe en particulier la désespérance des jeunes issus de l’immigration, désespérance qui se traduit par le rejet de ces valeurs, pour certains par des actes de délinquance et pour d’autres par une fascination à l’encontre de certains » prophètes » qui fondent leur discours sur des valeurs en contradiction aussi avec celles de la République.
La question que pose l’intégration des populations issues de l’immigration est double.
Elle interroge d’abord le politique qui se contenterait de proclamer d’une manière incantatoire les principes fondateurs de la République, alors que ces principes sont niés constamment dans la réalité quotidienne de ces populations. Elle interroge aussi l’ensemble de la société sur la part qu’elle laisse à » l’autre » sur la connaissance et la reconnaissance de ce qu’est l’autre ?
Daniel Breuiller rappelle en introduction que le problème de l’intégration est un enjeu majeur de notre société, soit nous trouverons les capacités et nous poserons les actes politiques pour être en mesure de » vivre ensemble « , soit nous ne vivrons que » côte à côte » avec en conséquence l’ensemble des problèmes que cela entrainera.
L’adaptation et la mobilisation du politique et des citoyens pour » vivre ensemble » vont bien au delà du territoire locale et national. Elles sont aussi nécessaires pour » vivre ensemble » la mondialisation. Les capacités et les moyens que nous développons localement sont du même ordre que ceux que nous devons mobiliser pour élaborer un nouvel équilibre mondial.
Ce projet nécessite des choix politiques qui s’appuient sur les valeurs républicaines, auxquelles il est nécessaire de redonner un contenu.
Egalité de droits et de devoirs pour tous les citoyens tous les citoyens sont les acteurs à part entière, nécessité de confrontation permanente en particulier avec ceux issus de l’immigration.
La résolution des problèmes locaux ne peut se faire qu’en les inscrivant dans une vision globale pour en comprendre les causes.
L’avenir n’est pas écrit, nécessité de réinvestir le politique..
Le maire d’Arcueil propose un certain nombre de pistes pour concrétiser ces choix politiques.
Donner le droit de vote des étrangers aux élections locales.
Le fait de ne pas avoir accordé le droit de vote aux étrangers est une première rupture entre l’image donnée par la France en matière de droits de l’homme et la réalité.
Un référendum d’initiative locale sur le contenu d’un grand projet urbain a été organisé à Arcueil. Cette consultation était ouverte à tous les habitants de plus de 16 ans. Les étrangers y ont participé d’une manière importante. Si le référendum a été jugé illégal par le Préfet, la légitimité politique de l’initiative n’a pas été contestée par l’opposition au conseil municipal. A cette occasion la municipalité a observé que plus de 40 nationalités étaient représentées sur la ville, qui comptabilise 9% d’étrangers, mais près de 25% de français d’origine étrangère (ce est impossible à quantifier précisément). Le droit de vote aux élections locales est un élément déterminant de l’intégration, comme facteur d’une dignité retrouvée et d’une expression prise en compte. Le Conseil communal d’étrangers, proposé par certains élus favorise une logique communautaire et ne conforte pas l’intégration..
Réaffirmer la laïcité comme fondement de la République.
Non pas en niant toutes appartenances religieuses, mais au contraire concevoir la laïcité comme un facteur d’intégration des différences, ce qui nécessite une connaissance de l’histoire des différentes religions et une tolérance des pratiques.
Développer plus d’éducation et plus de culture en matière de connaissance des cultures des pays d’origine et de l’histoire des civilisations.
L’ignorance de la part des jeunes issus de l’immigration de l’histoire de leurs pays d’origine, ignorance partagée par une grande partie de la société française est un facteur d’incompréhension. Il est plus intéressant de » profiter » de la double nationalité d’une partie de la population pour notre enrichissement culturel. L’enseignement doit faire une place importante à l’histoire des civilisations et que soient valorisés les liens entre les différentes cultures. Il cite une exposition d’un peintre argentin à Gentilly, qui peint » des ponts entre des bouts de monde. « .
Coopération de la ville d’Arcueil avec Hébron (échanges politiques, sportifs et culturels).
Valoriser l’intégration réussie..
L’intégration se passe bien en général ; la précarité et l’exclusion concernent aussi les populations d’origine française. Il y moins de racisme chez les jeunes en particulier ; » les bandes » s’identifient plus en fonction du quartier où elles habitent plutôt qu’à partir de l’appartenance à une ethnie..
On ne met pas assez en valeur les aspects positifs des autres cultures : solidarité, écoute : » palabre « .
En conclusion, l’intégration se fera d’autant mieux qu’elle se nourrira d’un projet de société s’appuyant sur des valeurs lisibles par tous. Enfin au delà des conviction politiques et philosophiques qui impulsent une conception et les moyens à développer pour » vivre ensemble » dans une ville ou dans le monde, D Breuiller observe d’une façon pragmatique, que la société française est aujourd’hui métissée, que le métissage n’en est qu’au début et donc qu’il est aussi important pour tous d’être citoyen à part entière en France, plutôt qu’ être citoyen français.
Réactions et questions de la salle
Comment peut-on être aussi optimiste quand on observe l’état de l’exclusion en Ile de France qui concerne particulièrement les populations issues de l’immigration, qui cumulent souvent plusieurs difficultés, précarité, chômage, logement, modèle familial mis à mal… où est le projet politique ambitieux ?.
Quels principes directeurs seraient assez convaincants pour que les populations aient envie de vivre ensemble ?.
La classe politique est timorée : le régime de la cohabitation est extrêmement pervers : on ne fait plus de politique. Il n’y a pas de volonté réelle , c’est plus la conviction qu’une volonté politique affirmée transforme le cours des choses qu’un optimisme démesuré qui fait agir. Volonté politique de redonner la place au politique, conviction que la crise de la société ne peut que se résoudre que par une culture partagée, une école renforcée, les problèmes locaux ne se comprennent qu’avec une approche mondiale et assurance du besoin de redonner de la dignité et du respect à tous..
Pourquoi n’arrive-t-on pas identifier des » leaders » représentant les populations issues de l’immigration, avec qui pourrait s’établir un dialogue et qui pourraient se présenter aux élections..
Les populations d’origine étrangère utilisent toute » leur énergie » pour s’adapter ; la société est-elle prête à inscrire et à voter pour des personnes issues de l’immigration ? Peut –etre faudrait il une loi qui contraigne, comme pour la parité ?.
Comment répondre au décalage ou à la rupture que l’on constate entre les générations dans les familles d’origine étrangère ?.
Les jeunes ne partagent plus avec leurs parents ni leur volonté d’intégration ni leurs valeurs. Quelle politique faut il conduire pour écarter les jeunes de leur volonté de non intégration ?.
L’image de leur parent, surtout celle de leur père, que perçoivent les jeunes, est totalement dégradée (par le chômage…) Il est donc nécessaire de revaloriser ce rôle. Un dispositif comme les emplois jeunes pour les plus de 50 ans permettrait de resituer le père et aurait sans doute plus d’impact que les emplois jeunes. Il est aussi inquiétant de constater l’absence d’idée et de projet que font ces jeunes par rapport à leur avenir. Il faut bien avoir en tête que dans leur culture d’origine, l’individu n’a pas d’existence subjective : son destin est pris en charge par le clan, la famille, la tradition… On demande à ces populations de faire en quelques années l’apprentissage de la modernité, chemin que nous avons mis plusieurs siècles à parcourir. Il est nécessaire d’organiser en permanence des confrontations entre les familles, l’école ,le politique pour que des liens se retissent. Création à Gentilly de » maison de la parentalité « .
Comment peuvent se faire entendre les populations d’origine étrangère en dépassant les phénomènes communautaires ?.
En apprenant à vivre ensemble, pour éviter les ségrégations communautaires, la municipalité d’ Arcueil a choisi d’attribuer les logements sociaux (45% sur la ville) en fonction d’un critère d’ancienneté, élément de transparence lisible par tous La diversité se fait donc de fait..
Martine Peyrou-Teitgen
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