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03/06/2019 - Les routes de la soie - J.F. Huchet

Les nouvelles routes de la soie, chances et risques pour l’économie mondiale

Les anciennes Routes de la soie qui datent du début du deuxième millénaire joignaient des oasis pour répondre aux besoins des empires d’échanger marchandises, savoirs et mêmes religions et transmettaient vers l’Ouest aussi des maladies comme la peste noire. La sécurité des convois étant difficile à garantir, elles se sont disloquées et ont été remplacées par des voies maritimes. Peter Frankopan dans Les Routes de la Soie  retrace l’histoire, très mal connue en Europe étant donné notre européocentrisme, de ces vastes zones de commerce de la Chine à la Turquie. Les autorités chinoises tentent donc de faire revivre cette zone assez indéterminée. C’est en 2016 que Xi Jin Ping lance ce vaste projet. Pourquoi ?

  • des raisons financières : diversifier ses placement financiers. La Chine accumule des excédents en devises mais ne veut pas réinvestir cet argent dans l’économie intérieure pour éviter une inflation incontrôlable. Elle les investit donc à l’extérieur dans des Bons du Trésor américain. Elle détient déjà 10% de cette dette énorme américaine. A partir de 2008, les Chinois trouvent moins dangereux de diversifier leurs placements. La Chine devient à partir de 2009 un acteur économique majeur et qui n’est pas comme le Japon sous l’influence américaine.
  • Devenue grande puissance, elle veut se projeter à l’extérieur mais sa capacité à le faire à partir de sa façade maritime est endiguée par le Japon avec lequel elle multiplie les conflits et par les Etats-Unis. Elle se tourne donc vers sa frontière intérieure. Depuis la fin de l’URSS, elle développe ses relations avec l’Asie Centrale et se positionne avec des sommes colossales (5 fois le plan Marschall) pour les infrastructures, comme le fait aussi la Banque Asiatique du Développement qui est sous l’influence du Japon et des Etats-Unis.
  • Pour sa sécurité énergétique : La Chine brûle 4Mds de t. de charbon par an,  soit 50% du charbon mondial, mais c’est seulement 60% de ses besoins. Elle importe aussi la moitié de sa consommation de pétrole d’Arabie Saoudite ou d’Iran malgré la menace des sanctions américaines.
  • Raisons de politique intérieure : Sa croissance est fondée d’abord sur ses investissements en industrie lourde, excessifs (Plus de béton en 3 ans que les Etats-Unis au 20 ° siècle).  Les entreprises d’Etat sont en surcapacités de production. Elle est « addicte » à la croissance quantitative. Il faut donc amortir le choc d’un changement de modèle et exporter (comme des centrales à charbon au Pakistan) en fournissant de grands contrats aux entreprises d’Etat chinoises d’abord sur le corridor Chine-Pakistan. Et il s’agit d’un ciment nationaliste qui consolide le pouvoir de Xi JinPing.
  • Pourquoi en Europe ? La Chine a rompu avec la politique de discrétion de Deng Xiao Ping qui prônait de faire profil bas et se développer d’abord. Xi JinPing se positionne en rupture vis à vis de la position de Deng : il adopte une position nationaliste et veut développer le grand ouest peu peuplé de la Chine. L’Europe laisse ses portes d’entrée du Portugal et de Grèce contrôlées par la Chine qui y achemine ses marchandises et achète des entreprises à haut niveau technologique. Macron a invité Merkel pour faire front commun car la Chine joue la division de l’Europe.

De quel projet s’agit-il ?  Belt and Road Initiative (BRI)

  • le nombre de pays ne cesse de s’agrandir : l’Afrique et l’Antarctique sont inclus !
  • Développer des zones économiques spéciales, de plateformes de productions vers l’Europe + connexions nodales + transports d’informations, + dimensions culturelles (vitrine) Est-ce que la Chine va révéler ses ambitions ? La majeure partie de l’argent vient des banques contrôlées par l’Etat.
  • Apporter une autre vision de l’organisation économique mondiale : Veut-elle sortir des accords de Bretton Woods et de la suprématie du dollar ? Avec en 2015 la création d’une banque concurrente des autres, la Banque des BRICS, la Chine veut influer sur les règles du jeu en ayant des droits proportionnels à sa population et à son importance, alors que les Etats-Unis disposent, eux, d’un droit de veto au FMI. Il est possible que le Japon demande à y participer mais il contrôle la Banque Asiatique de Développement et est vu comme le cheval de Troie des USA.

Incertitudes

Les pays voisins s’inquiètent de plus en plus de la puissance de la Chine. L’Inde est le pays qui s’oppose le plus, la Pakistan étant l’allié de la Chine et il existe un corridor Chine/Pakistan. La Russie voit des avantages à de bons rapports avec la Chine, mais veut la contenir et éviter toute présence militaire en Asie Centrale. L’Union Européenne est très divisée vis à vis de la Chine. Certains pays voient dans les investissements massifs de la Chine chez eux du win/win.  Macron demande à la Chine une ouverture à l’UE pour la construction de ses infrastructures mais les Chinois veulent que toute la chaîne de production soit contrôlée. Et en Afrique la Chine vient avec ses ouvriers. Les Américains ont changé : les démocrates soutiennent Trump contre Pékin. Les questions de réciprocité sont sur la table : les chinois rachètent Volvo mais personne ne rachète les entreprises chinoises.

La question militaire : des plateformes/ports sont utilisés pour contrôler la puissance de l’Inde.

Les questions environnementales et de pollution sont énormes : Il y a 1400 centrales à charbon en Chine.

Les incertitudes financières : La Chine devient une puissance créditrice. La Chine prête beaucoup d’argent à des pays déjà très endettés. Les dettes du Sri Lanka l’ont conduit à signer un bail d’un siècle ! Elle va devoir apprendre à perdre de l’argent. Mais elle ne fera pas cavalier seul contre le système de Bretton Woods.

Questions Q. : L’avenir de la guerre commerciale ? R. : Il y aura des dégâts pour les firmes américaines. La population chinoise est si vaste qu’introduire une nouvelle technologie dans ce marché est très intéressant. Ils s’approprient très vite les technologies, les centrales nucléaires depuis 79, le TGV qui a déjà 22 000 km. Ìls ont de l’argent et des capacités, des universités au plus haut niveau. Q : L’Afrique ? Des gouvernements africains sont contents que leur interlocuteur ne pose pas de questions sur les droits de l’homme et construise vite les infrastructures mais les dirigeants africains sont sortis de la lune de miel, ils jaugent. En RDC, la Chine fait ce qu’elle veut, pas en Afrique du Sud. Q. : C’est en dollars que la Chine prête ? R : Une zone yuan peut se développer quand le PC sera prêt à lâcher du lest. Il circule de plus en plus mais pèse peu par rapport au dollar. La Chine veut éviter l’augmentation de sa masse monétaire en yuan. Q. : La Chine vue par l’Europe ? R : ça énerve Bruxelles qu’elle attaque ses flancs faibles, le Montenegro, l’Italie, La Hongrie. La Chine essaie de diviser l’Europe sur toutes les questions. L’Europe aurait intérêt à s’unir pour se protéger et se donner des cartes contre leur protectionnisme industriel et commercial. La Chine ne comprend que la force et on est très mal placés pour traiter avec eux. Q. : La démographie chinoise ? R. : Jusqu’en 98, on avait 18 millions d’arrivées sur le marché du travail par an = 2 points de croissance. Aujourd’hui le taux de fécondité est proche de celui des pays européens : 1,3.  On pousse les couples à avoir 2, 3 enfants  car la Chine vieillit très vite et avec un niveau de richesse encore faible, 7000 $ pat tête. D’où des répercussions sociétales majeures. Q. : Les relations avec le monde musulman ? R. : L’Iran est un partenaire très important pour son pétrole. Ils sont présents en Irak. Sur le dossier syrien ils suivent la Russie. Le Pakistan est très important, une porte sur le monde musulman. Ils cherchent à pénétrer l’Asie Centrale, mais c’est une zone d’instabilité politique. Ils ont le 2ème réseau diplomatique derrière la France. Q. : Il y aura des mouvements sociaux ? R. : Le pouvoir assure la stabilité sociale par l’addiction à la croissance. Ils ont privilégié l’emploi. Il va falloir changer de modèle de croissance. Les 30 ou 40 années glorieuses sont finies. Là,  c’est 4,5 % : ralentissement conjoncturel ? Pessimisme sur la démocratie et les Droits de l’Homme. La société civile, les avocats, les lanceurs d’alerte sont contrôlés préventivement. C’est un Etat totalitaire hyper centralisé sophistiqué qui maîtrise le corps social. Le Parti est partout. Tien An Men s’explique par une dissension au sein du Parti.

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