Biologie et fondements de la vie en société
Bernard Calvino
Professeur, chercheur en biologie
CLÔNAGE HUMAIN, organismes génétiquement modifiés, utilisation de l’embryon humain à des fins de recherche… Les thèmes d’application de la biologie à des domaines essentiel de notre société sont médiatiques et occupent une large place dans la presse, qu’elle soit écrite ou audiovisuelle. Effet de mode ? Je ne le crois pas. Il s’agit bien d’un véritable débat de société dont les enjeux sont considérables, sur le plan commercial, mais surtout, et c’est là un aspect beaucoup plus important, sur le plan philosophique et dans sa traduction quant au fonctionnement de la société, sur le plan politique.
Réhabiliter la politique à l’aube de l’an 2000 ce sera aussi à mes yeux permettre à chacun de se saisir de ce débat parce que les enjeux, je le répète, sont considérables, et parce qu’un des moyens de régulation de ce problème, c’est le politique. La France a montré le chemin avec le vote en 1994 des trois lois de bioéthique ; ces lois devaient être revues au bout de cinq ans ; on va donc en reparler dans une toute prochaine session parlementaire. Mais qui s’en préoccupe ? Pour l’instant c’est surtout un comité d’experts, le Comité consultatif national d’éthique dont c’est la mission. Mais les citoyens que nous sommes ?
Dans une démocratie comme la nôtre, le citoyen est formellement représenté par le parlement où siègent ses seuls représentent légitimes. Mais ceux-ci sont absents de ce débat, à l’exception de quelques-uns comme JF Mattei, et le manque de volonté politique dans ce domaine traduit l’incompréhension que manifestent les hommes politiques pour ces questions fondamentales. La prépondérance des comités d’experts par rapport au Parlement illustre bien ce désintérêt du politique dans le domaine de la bioéthique.
Dans ce contexte, comment réhabiliter la politique ? Comment intégrer le citoyen en tant que personne physique dans ce débat ? en premier lieu le problème de la formation en biologie est une condition nécessaire, et c’est là le rôle du système d’enseignement. Le problème de la formation en philosophie est tout aussi important et ne doit pas être dissocié de la formation scientifique. En second lieu en offrant aux citoyens la possibilité de s’intéresser à ces problèmes en proposant aux médias un rôle de formation et d’information rendant l’appréhension des enjeux politiques accessibles à tous. Hélas, bien souvent l’information spectacle l’emporte sur une information responsable et de qualité. Sans une préparation préalable, sans une explication des enjeux scientifiques, technologiques et commerciaux, le débat politique ne fera émerger que des priorités utilitaristes ou des rejets basés sur la peur et sur l’irrationnel.
Une première tentative a été réalisée avec l’organisation d’une » conférence de consensus citoyenne » sur les organismes génétiquement modifiés, à propos de la commercialisation de plantes génétiquement modifiées. Mais elle reste pour l’instant la seule et n’a eu que peu d’impact médiatique. Alors que dans les pays nordiques, qui ont servi de référence pour sa préparation, c’est une procédure fréquente et à laquelle il y a un fort taux d’adhésion des » citoyens « . Voilà un filon a politique au sens premier du terme à creuser. Pourquoi ne pas aussi instaurer un débat national, sous la responsabilité du Comité consultatif national d’éthique en association avec l’Office parlementaire d’orientation des choix technologiques et scientifiques, avec diffusion télévisée de ce débat comme ce fut le cas et il y a dix ans maintenant avec succès, pour la commission présidée par Marceau Long sur le problème de la nationalité ?
Réhabiliter la politique c’est permettre la formation du citoyen, le pousser à s’engager dans des formes d’action citoyennes qui permettront de faire pression sur le monde politique pour que tout ne reste pas figé dans un mode d’organisation, dans un mode de représentation qui ne trouve comme relais que les partis politiques. Leur rôle est irremplaçable mais à les laisser seuls sur le terrain politique on ne fera que renforcer la désaffection vis-à-vis de ce mode de présentation, vis-à-vis de la participation aux élections, vis-à-vis du glissement progressif vers le » tous pourris » qui, hélas, trouve parfois des justifications. Le débat sur la place des applications de la biologie dans notre société n’en est qu’un exemple, mais, il permet, parce qu’il pose des questions de fond sur l’Homme et sur ce qu’il fera de la vie en société, de poser la question de la réhabilitation de la politique sous un angle concret.
Bernard Calvino
Professeur, chercheur en biologie
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