François Colly présente Hervé Lanouzière : il a été Inspecteur Général des Affaires Sociales à
la Direction Générale du Travail, chargé de la santé au travail et de la prévention des risques
psycho-sociaux. Il est actuellement Directeur de l’Institut National du Travail.
H. Lanouzière explique que l’INT est le lieu où sont formés tous les agents, les inspecteurs du
travail, les administrateurs, où s’élaborent la pensée et le transfert de compétences sur
l’évolution du travail, « l’algorythmisation » du travail qui va « plus vite que nous », et une
agence pour l’amélioration des conditions de travail. Lui-même a fait un pas de côté dans le
privé pour comprendre l’évolution des modes et des conditions de travail.
Il annonce 2 parties à son exposé,
Vincent Tiberj est présenté par François Colly : V. Tiberj est sociologue, Professeur à Sciences-Pô Bordeaux, et est l’auteur avec L. Lardeux de « Générations désenchantées ? Jeunes et démocratie » (publié en 2021 par La Documentation française) qui analyse les résultats d’une enquête internationale « Valeurs » de 2018, pour mieux comprendre les comportements et valeurs de la jeunesse française. Il a publié aussi « Extinction de vote ? » en janvier 2022, au sujet des records d’abstention atteints en 2021.
En mai 2022, 25% des inscrits au premier tour, 28 % au second tour, se sont abstenus. Qui sont-ils ? S’agit-il d’une mise à l’écart de la démocratie représentative ? Existe-t-il des solutions pour faire revenir les électeurs aux urnes et revivifier la démocratie ?
Vincent Tiberj :
Il existe tout un discours déploratif sur l’abstention, mal démocratique, mal civique, relevant d’un manque d’éducation civique des jeunes, catégorie d’âge qui effectivement s’abstiennent le plus. Au second tour, 41% des 18-24 ans et 38% des 25-34 ans, alors que 16% des retraités s’abstiennent. Cela aurait pu être pire, étant donné que cette campagne a été phagocytée par l’Ukraine et le Covid. Alors que 1981 avait exprimé un bel élan pour changer la vie, les électeurs de 2022 se sont souvent déplacés à contre cœur, pour un vote de raison, un vote utile contre l’extrême-droite par exemple. Les pauvres et les jeunes se sont abstenus. Ceux qui ont voté ne sont pas représentatifs de ceux qui ne votent pas. Les écarts progressent. Ce sont les retraités, les diplômés, les centre-ville aisés qui votent.
Pourtant il y a de plus en plus de gens qui se déplacent à la présidentielle. Les autres élections ne mobilisent pas. Il n’y a eu que 69% de participation au référendum sur l’Europe.
Quand il y a des débats, des enjeux, une campagne, les citoyens se déplacent. Le niveau de compétences, la participation à des associations, le capital social et culturel, parfois, comme dans les villages le contrôle social et les micro-pressions comptent : le maire sait qui ne vote pas et il y a beaucoup de votes blancs ou nuls.
Le paradoxe est le renouvellement générationnel : plus une génération est récente (et donc diplômée) moins elle vote de manière assidue. Les nés avant-guerre votent plus que les jeunes, plus diplômés mais qui sont des votants intermittents. C’est un changement culturel : le rapport au vote évolue. On avait une culture de remise de soi à une élite qui est la logique représentative et qui s’oppose à un autre mode démocratique, le tirage au sort, que pratiquaient les Athéniens, disponibles pour les discours politiques (les femmes, les métèques et les esclaves étant exclus et voués à travailler). Nous avons gardé ce mode de désignation pour les jurys d’assise, les jurés y sont tirés au sort, même si certains sont révoqués par la défense.
La République Française a choisi d’encadrer les citoyens, qu’ils troquent leur fusil contre un bulletin de vote. Il y a eu un rapport en miroir au catholicisme, il y a un rituel républicain : cela se passe le plus souvent à la mairie, le dimanche, dans un respect religieux, pas de bruit, il y a un isoloir(confessionnal), on va à l’urne (communion), l’officiant prononce des paroles (a voté), et ce rituel doit être religieusement respecté.
Un basculement est observé à partir des années 1970 avec les nouveaux mouvements sociaux qui ont secoué nos sociétés. Les jeunes d’après 68 se sont intéressés particulièrement à la politique, ils sur-votent, manifestent beaucoup, sont impliqués comme citoyens critiques, mais avec un rapport critique à la démocratie représentative. Les millenials sont des citoyens distants, désillusionnés alors qu’ils sont diplômés : ils ne veulent plus s’en remettre aux élites, ce sont des votants intermittents qui utilisent de plus en plus d’autres moyens de s’exprimer. Ils ont des stratégies pour chercher les informations, ne veulent pas être dupes, avec une défiance qui vont pour certains jusqu’à des logiques complotistes. En votant, on accepte la démocratie représentative, alors que certains veulent contrôler les élus, les révoquer.
Lire le compte rendu →Laurent Mignot présente le Professeur Grimaldi, professeur émérite de diabétologie au CHU
de La Pitié-Salpétrière. Il est l’auteur du Manifeste pour la Santé 2022 et un militant de la
défense de l’Hôpital public contre la dérive de notre système de santé vers un système
marchand : on avait en 2000 le meilleur système dans les classements internationaux, nous
voilà à la onzième place alors que nous dépensons 11% de notre PIB pour la Santé, ce qui
nous met à la troisième place pour les dépenses. Mais la Santé est-elle un bien marchand ou
un bien commun ?
Pr Grimaldi : En 2020, au début de la pandémie, on a vécu un moment d’enthousiasme, les
soldats montent au front, la population leur en est reconnaissante. On fait nation. Et après,
on retombe dans la catastrophe. La pandémie agit comme une loupe.
D’une part, des points forts :
« La notion de Sécurité Globale, «Global Security», est l’objet de dizaines de commissions
internationales, mais est ignorée en France où elle est confondue avec les problèmes de police.
« Il faudrait rebaptiser le titre de cette conférence sur la géopolitique. Les puissances
mondialisées dont les relations internationales forment la géopolitique, je n’y crois plus. Je me
révolte contre l’usage excessif de la géopolitique ».
Ce mot a une histoire, qui commence en Allemagne en quête d’unification au 18-19° siècle. Dans
le monde westphalien (après le traité de Westphalie ,1648) s’est formée la première carte durable
de l’Europe. Ce sont alors les relations inter-étatiques qui comptent. Les principes :
– Principe de territorialité : les frontières du territoire marquent la souveraineté, la compétence
de l’Etat qui assure la sécurité. On a besoin du Souverain (le Leviathan) pour organiser la
sécurité et éviter la guerre de tous contre tous.
– Le choc des puissances : c’est l’idée d’une compétition entre Etats souverains et pour
organiser leurs relations, il y a la guerre. Hobbes avec Le Léviathan (1651) est le fondateur de la
politique internationale. Entre puissances, c’est la course à la puissance. La paix c’est l’avantguerre, l’entre-deux guerres. Hobbes prône donc l’équilibre des puissances pour prévenir
l’attaque par un voisin. C’est ce qui s’est passé en 1945 et avec la Guerre Froide : la solution
de l’équilbre thermonucléaire.
Mais c’est fini sauf dans la tête des dirigeants !
Ex : Les printemps arabes, les guerres civiles (Libye, Syrie), qui deviennent éventuellement des
conflits inter-étatiques après.
Est-ce que la puissance mène encore le monde ? Les guerres ne se gagnent plus. Et souvent
c’est le plus faible qui gagne ( Vietnam 1975, 25 août 2021, etc.)La puissance est impuissante.
Après la guerre en 1945, les USA vainqueurs pensaient que la puissance écraserait le Mal,
sauverait le monde, et universaliserait la démocratie. Les descendants des pèlerins du Mayflower
se voyaient un rôle messianique. Ils prolongeraient partout le système européen d’états
souverains appliquant le droit international, obéissant à Hobbes.
Lire le compte rendu →Exposé Les 10 ans passés ont été marqués par des chocs de « souveraineté » (Crise Ukrainienne, crise migratoire, Brexit …) qui ont montré la fragilité de l’UE et accru la défiance à son endroit. La crise « COVID » est d’une autre nature, imprévue avec un impact brutal nécessitant une réponse forte et coordonnée, illustrée par la décision d’y faire face avec un plan de 750 G€ gagés par l’UE (dont les modalités de distribution restent à préciser). Jacques Delors a dû pour cela sorti de son silence pour avertir : » le microbe est de retour : le manque de solidarité fait courir un risque mortel à l’Union Européenne.
Lire le compte rendu →
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