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09/01/2017 - Enjeux économiques 2017 - Denis Ferrand

Exposé

COE-Rexecode doit être présenté plutôt comme proche du monde des entreprises que comme proche du patronat car tout y est regardé et analysé à travers le filtre de la compétitivité des entreprises et de l’économie, clé absolue de la résolution du problème du chômage.

Deux missions pour son organisme :

– veille et prévision macroéconomiques

                – participation au débat public avec les acteurs institutionnels

Nous sommes fondamentalement des observateurs de l’économie.

Avec un taux de chômage voisin de 10%, celle-ci ne fonctionne pas correctement.

Quelques signes positifs dans le contexte actuel : le climat des affaires est meilleur. Mais le point de visée ne peut être qu’un taux de croissance maximum proche de 1% contre 3% en 2000[1].Les programmes électoraux avec des taux de 2% sont des fariboles.

La crise de 2008 a créé des irréversibilités :

  • Insuffisance trop longue de l’investissement
  • Éloignement trop long du travail pour une partie appréciable de la population.

Avec pour conséquence une érosion de notre potentiel de croissance dû à un délitement du tissu productif. Avec un rétrécissement de la population au travail et un tassement des gains de productivité on ne peut espérer plus qu’1% de croissance soit 0,5 %/par habitant.

À ce niveau ceux qui montent dans l’ascenseur social croisent inévitablement ceux qui y descendent. Pas de création nette d’emplois sauf si baisse du niveau des salaires.

L’horizon de la croissance a-t-il disparu ? Est-on entré dans la phase de stagnation séculaire et de ralentissement des gains de productivité ? Je ne sais pas répondre. C’est un débat lourd entre les économistes partagés entre éco-pessimistes (Robert Gordon[2]) estimant que la présente révolution technique (numérique) que les gains de productivité seront moindres que dans les révolutions précédentes (moteur à explosion…) et éco-optimistes (Erik Brynjolfsson)[3] estimant que la croissance n’a pas disparu mais que le changement nécessaire des organisations doit s’opérer pour que puissent s’exprimer les gains de productivité.

La croissance n’a pas disparu, mais cela fait six ans que le FMI surestime la croissance de 0,5% ce qui alimente un  discours sur sa disparition.et l’appel à la relance budgétaire. En réalité la croissance à l’échelle mondiale de 3%/an depuis 2011 n’a guère changé par rapport à ce qu’elle était avant (3,3%) mais elle se fait plus loin de nous dans un environnement plus risqué et plus volatil avec une succession de chocs financiers. Cela montre que pour nous l’enjeu de la croissance est dans la compétitivité. Le déficit de compétitivité à l’échelle mondiale est la cause de notre déficit de croissance. Une politique de l’offre est fondamentale. Cela est clairement illustré par le fait que la part des exportations françaises dans les exportations de la  zone Euro est tombée de 17%% en 1998 à 12% en 2016.

C’est un processus insidieux mais il ne fait pas de doute que la cause en est le prix trop élevé de nos produits. Entre 2000 et 2008 nous avons totalement divergé de l’Allemagne alors qu’il ne peut y avoir d’Europe sans un cœur franco-allemand qui fonctionne. Appeler politiquement à un « sursaut fédéral » dans ces conditions n’est pas réaliste.

En 2000 nous avions un « avantage prix » de 15% sur l’Allemagne. Il a disparu aujourd’hui. Nous sommes au même niveau mais entre-temps les entreprises françaises n’ont pas été en mesure de faire l’effort nécessaire et nombre d’entre elles ont été poussées hors du marché et ont disparu. Il faudra du temps et de la patience pour réparer cela. La restauration en cours des marges demandera du temps pour manifester ses effets. Les marges de l’industrie française étaient de 80 G€ en 2000. Elles ont aujourd’hui retrouvé ce niveau après être tombées à 65 G€.. Mais les marges allemandes sont passées dans la même période de 120 à 220 G€. Le taux de dépenses de recherche des entreprises françaises est de 1,1% du PIB alors que celui des entreprises allemandes atteint 2,1 %.

La relation croissance/emplois est indissoluble. Dans le débat sur la loi El Khomry, un élément est absent : l’arbitrage.  Que signifie l’inversion de la norme au niveau des arbitrages ? 60% des arbitrages conclus au niveau de la branche se traduisent par un recul de l’emploi alors que 100% des accords conclus au niveau des entreprises se traduisent par un recul des salaires.

Les « 35 h » ont figé un des paramètres de la négociation : la durée du travail. Qu’en est-il à cet égard de la super-productivité française mise en avant par certains ? Elle est là mais c’est une super-productivité d’exclus (jeunes – seniors) dont on ne peut se réjouir. L’emploi est devenu de plus en plus précaire : 87 % des emplois sont des CDI mais 90 % des embauches se font en CDD. L’enquête PISA met en évidence une contradiction : on ne peut avoir simultanément une super-productivité et de mauvais résultats PISA.

Le CICE est un outil important mais il occulte aussi une contradiction.  Il est basé sur un allègement des cotisations sociales pratiqué depuis 25 ans sur les bas salaires (inférieurs à 2,55 SMIC). Mais cela ne fait qu’encourager l’emploi non qualifié dans un système qui crée des aspirations à des emplois très qualifiés. C’est une machine à créer des frustrations.

 

Où sont les priorités ? Le système de formation et remettre de la simplicité et de la lisibilité dans la fiscalité du capital.

On est dans un système où l’on peut avoir plus d’impôts sur le capital que de revenus du capital. C’est un non-sens. Une « flat tax » sur les revenus du capital générerait autant d’impôts mais avec plus de rationalité économique.

Quant à l’UE, c’est une grosse administration sans projet qui produit en conséquence de la complexité. Il faut remettre de la confiance dans l’économie pour retrouver de la croissance sur le long terme.

Débat

                Q1 Comment faire des réformes sans coût ?

R.  Aves des arbitrages entre formations et en s’efforçant de penser plus efficace sans coût supplémentaire.

                Q2. Le numérique n’est-il pas fondamentalement destructeur d’emplois ?

R.  Le numérique détruit d’abord les emplois « un peu qualifiés ». La valeur n’est plus dans le bien lui-même mais dans l’apport de services très qualifiés liés à ce bien. (NDLR Idée déjà soulignée par G.Babinet). Le numérique est un facteur de polarisation. Les classes moyennes sont dans l’entre-deux. Il faut trouver et créer des « espaces de déversement » du numérique.

                Q3. Si on craint la disparition du travail, il faut alors en revenir au revenu universel. Je refuse de croire que c’est une solution.

S1.  Je suis totalement contre :

·         Une population assignée au non-travail

·         Une mesure ultra-libérale voulant faire croire que l’on va tout régler avec un chèque

·         Un dispositif dont on sera toujours tenté de faire bouger le curseur

·         Une trappe au travail au noir

Je trouve très suspect que tant de gens divers se retrouvent sur cette idée.

S2. C’est de la déresponsabilisation et un casseur de solidarité

                Q4.  Différents types de croissance ?

R.  Tout ne se résout pas dans le développement durable même si le marché du carbone est une bonne idée.

                Q5. Quels sont les secteurs d’avenir ?

  1. Les secteurs en capacité de croissance. Mais à l’intérieur de chaque secteur, il y a déplacement de la valeur dans la chaîne des valeurs. Par exemple pour l’insuline, la création d’outils de déclenchement du signal. Ce n’est donc pas tant des secteurs spécifiques mais des outils qui peuvent apporter des réponses simples à des problèmes complexes. On n’est plus dans la concurrence classique mais dans la compétition sur les services.

Q6.  Benoît Hamon part de l’idée d’une économie fondée sur une croissance 0.

  1. Avec une croissance 0, plus d’ascenseur social. La question n’est pas d’imaginer un nouveau modèle mais de rendre notre système actuel en état de jouer le changement.

Q7.  L’ESS n’est-il pas l’embryon d’un nouveau modèle social ? Mais peut-être est-ce un grand rêve.

  1. Les rapports à la propriété sont en évolution profonde parce qu’on a créé des outils nouveaux (bla-bla car etc…) . Il y a là place pour une réflexion de nature politique.

Q8.  Comment traduisez-vous votre discours en termes d’élections ?

  1. le programme des candidats me fait plutôt fuir. Fillon est celui qui a l’a le plus travaillé. Mais il présente un programme de Premier ministre pas de Président.

Q9.  Que pensez-vous du défi énergétique ?

  1. Un chinois consomme en moyenne le 1/10ème de ce que consomme un américain. Les besoins sont immenses et continueront de croître. La vraie question est comment faire pour utiliser l’énergie de façon plus efficace ?

S. Même avec les engagements pris à la COP 21, on est sur une trajectoire d’augmentation de 3,5 °C (de la température moyenne de la planète. Pour tenir l’objectif de 2% il faudrait réduire la consommation mondiale d’énergie carbonée de 5%/an. Cela ne devrait-il pas être écrit en grosses lettres en tête de tous les programmes ?

Q10.  Quels sont les types de régulation que l’État doit assurer ?

  1. La réforme la plus difficile est celle de la fiscalité du capital. Elle devrait être prioritaire. Ce n’est pas tant la question de la suppression de l’ISF que de trouver une fiscalité du patrimoine compatible avec la croissance.

Il y a ensuite la réforme du droit ou du marché du travail.

Q11.  La rémunération des actionnaires augmente.

  1.  Non, c’est une illusion. Les dividendes apportés au capital existant diminuent. Il y a érosion de la rentabilité du capital.

Q12.  C’est entendu, l’ISF est idiot ! Ne faut-il pas le remplacer par une augmentation des droits de succession ?

  1. Il serait plus avisé d’envisager une baisse des droits de transmission du capital à la génération n+2. Le patrimoine ne se transmet plus à un âge d’entrepreneuriat !
  2. Cela revient à sacrifier une génération. Pas facile.
  3. Le débat commence à prendre.

Q13.  Quel est votre instrument de mesure de la compétitivité ?

R. Il n’y a pas de raison d’être décalé par rapport aux performances des pays européens. Notre part dans les exportations de la zone € ne cesse de se dégrader.

Q14. Vous faites porter sur les 35h la responsabilité de la dégradation de la situation.

  1. On a fait les 35 h au moment où l’Allemagne faisait le mouvement inverse au niveau du coût du travail. On ne pouvait faire en même temps l’Euro et les 35h ….

 

 

Gérard PIKETTY

 

[1]NDLR : DSK s’était alors appuyé sur une perspective durable de ce taux de 3% pour différer l’engagement de la réforme des retraites

[2]En 2012, l’économiste américain Robert Gordon émet la thèse provocatrice selon laquelle il serait devenu très difficile de repousser la frontière technologique, le progrès observé au cours des deux cent cinquante dernières années pouvant bien se révéler être un épisode unique de l’histoire de l’humanité.

Les pays développés rencontrent selon lui quatre obstacles majeurs : la démographie, l’éducation, les inégalités et la dette publique. Sa thèse s’appuie de plus sur le constat historique que la dernière période de forte croissance était consécutive au traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, plutôt que la conséquence d’un cycle d’innovation ou d’un certain type de politique économique. Ainsi, tout comme il n’y a pas eu de croissance avant 1750, il se peut très bien, imagine l’économiste, qu’il n’y en ait plus après 2050 ou 2100.

[3] « The second age of the machine ». http://www.lesechos.fr/30/05/2014/lesechos.fr/0203345192923_erik-brynjolfsson——les-machines-digitales-ouvrent-une-nouvelle-ere-de-prosperite–.htm

« Les machines excellent actuellement aux tâches routinières, qu’elles soient physiques ou mentales. Mais je ne sais pas de quoi elles seront capables demain – il y a dix ans, je ne les imaginais pas conduire une voiture ! En attendant, il y a au moins trois domaines dans lesquels les humains ont encore l’avantage. La créativité et l’esprit d’entreprise, d’abord. Ces deux qualités vont devenir d’autant plus précieuses que la digitalisation en amplifiera les retombées. Les relations interpersonnelles, ensuite : vendre, éduquer, motiver, soigner… tout cela requiert des capacités empathiques qui font encore largement défaut aux machines. La dextérité, enfin. Les robots sont très maladroits : coiffeurs, jardiniers, plombiers ont encore de beaux jours devant eux. »

 

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