Exposé.
Le mieux est de reproduire ici par un copier-coller le blog d’Antoine Valabrègue, membre de l’association « À l’école du possible » qui nous avait fait le plaisir de participer à notre réunion :
« Guy Malandain est maire socialiste de la ville de Trappes depuis 1995. Il vient d’être réélu au premier tour avec 54% des voix. Il se souvient du Val Fouré, à Mantes la Jolie à ses débuts, des HLM où il faisait bon vivre. Le Val Fouré, symbole maintenant de la banlieue qui fait peur.
Il raconte son expérience au cours d’une conférence à laquelle nous avons assisté dans le cadre du club citoyen. Il a rappelé la dégradation de la situation à Trappes en 1995, ville de 30 000 habitants regroupant plus de 70 nationalités d’origine et où les 2/3 des habitants vivent autour du seuil de pauvreté en 1995.
À Trappes lorsqu’on cherchait un travail, on disait alors qu’on habitait Saint Quentin en Yvelines, ville chic du secteur. Mais à partir du moment où l’on applique l’idée que les gens ont d’autant plus le droit le droit à de la dignité qu’ils ont eu un parcours difficile, les choses se sont améliorées rapidement.
Dans cet esprit, il a respecté les principes suivants :
1. Redonner de la qualité de vie aux habitants. À Trappes, 7800 logements sur les 11000 sont des logements sociaux. En discutant avec les bailleurs de fond des sociétés HLM, il a pu réhabiliter progressivement les endroits périphériques les plus abîmés. Le centre où est la mairie est maintenant le coin le plus moche de la ville. Il a fait mettre des fleurs partout, a installé une école de musique. Personne n’a jamais rien dégradé.
2. Créer des comités de quartiers pour que les habitants soient les acteurs de cette réhabilitation et de leur cadre de vie. Une dynamique de la population est ainsi née.
3. Ouvrir dans les quartiers un centre social (4 au total) et organiser des fêtes de quartier notamment dans une zone où la police ne s’aventurait pas depuis longtemps.
4. Faire restaurer des aires de jeux par les habitants et créer une crèche parentale.
5. Organiser des vacances familiales.
6. Mettre en place un protocole de réussite éducative au niveau primaire et collège en partenariat avec les établissements scolaires. Les profs signalent les élèves en train de décrocher et les associations les remettent à flot dans le cadre d’un contrat passé avec les familles.
7. Instituer une aide aux parents avec alphabétisation dans une maison des parents ou 400 familles viennent suivre des formations dans un cadre laïc où l’on ne porte pas le foulard.
8. Créer un centre social où les femmes voilées peuvent venir et font des activités. Où iraient-elle sans cela ? Cela permet un décloisonnement progressif des diverses communautés présentes dans la ville.
Nous ne raconterons pas la suite sur les échecs de toutes les politiques nationales de la ville, tant ce témoignage est exemplaire et sur ce qu’il faut faire et sur ce qu’il ne faut pas faire.
Un grand moment d’émotion donc autour d’une personnalité modeste qui fait son marché toutes les semaines, en étant partout remerciée de son action »
J’ajouterai deux points au compte-rendu de cet ami : Guy Malandain a souligné qu’on n’avait pas tant besoin de loi pour la politique de la Ville, que de plus de générosité et de plus de cohérence. « Arrêtons de semer des illusions comme avec le droit opposable au logement » ; « Faisons confiance aux élus locaux pour traiter les problèmes qui se posent sur leur territoire, car chaque ville est un cas spécifique » ; « À partir du moment où la ville a un projet urbain, économique et de citoyenneté, alors les moyens lui sont donnés ! » a-t-il conclu !
Débat
Q1. Qu’est-ce qui fait que les choses bloquent ailleurs ? Ne faudrait-il pas davantage de discours commun de la part des maires de gauche ? Le périmètre de Trappes est-il suffisant pour traiter les problèmes ? L’intercommunalité ne faciliterait-elle pas les choses ?
R. La gauche est un vaste pays dont l’exploration n’est pas terminée ! Nous sommes bien seuls. Dans le 78, des ghettos se sont constitués. C’est la foire d’empoigne pour les logements sociaux. L’égoïsme domine. Les intercommunalités sont une complexité supplémentaire.
S. Cela me gêne d’entendre la loi DALO décriée. Ne peut-on considérer que c’est un moyen de bousculer les politiques, de même que les préfets peuvent obliger les maires à respecter la loi SRU ?
R. On s’imagine avoir réglé un problème par une loi qui crée des illusions. On n’a pas le droit de voter cela. 5 personnes me mettent en procès pour avoir un logement. Je n’y peux rien et ne vois pas de raisons pour donner une priorité aux « Don Quichottes » ! Il y a 2450 demandes pour 500 logements par an.
Q2. La politique d’attribution des logements a été critiquée. Quels sont vos critères ? Comment voyez-vous les demandes de logements des étrangers ?
R. Le conseil municipal a d’abord voté une charte de l’attribution Je me suis fixé comme règle de n’intervenir en aucune façon dans les attributions. Nous avons par ailleurs des contrats signés avec les bailleurs pour le rétablissement de la mixité sur un certain nombre de sites. Enfin, nous avons un contrat de relogement des personnes dont le logement est détruit. Personne n’est exclu. Tout le monde est bienvenu. Nous n’avons qu’une dizaine d’expulsions par an.
Les logements se vendent comme des petits pains. Nous avons une baisse de 50% de la délinquance relevée par la Police. Le contrat local de sécurité oblige à ce que tout le monde puisse être vu (Hauteur des haies inférieure à 0,8m). Les épaves sont ramassées dans les huit jours. Un dispositif d’éducateurs appuyé sur un conseil des « Anciens » a été mis en place et nous avons 4 médiateurs écoles-familles. S’agissant des étrangers, nous nous en tenons à la loi : les étrangers en situation irrégulière n’ont pas droit de cité mais nous avons quelqu’un à la mairie pour prendre en charge les régularisations possibles. Trois familles, en France depuis 15 ans, sont ainsi parrainées. Cela dit je n’ignore pas que nous avons une communauté d’Emmaüs bourrée de sans papiers.
Q3. Vous êtes nécessairement dépendants de phénomènes qui vous sont imposés de l’extérieur. Quid de l’intercommunalité ? Comment voyez-vous les débats sur la Région ?
R. L’intercommunalité est nécessaire pour les théâtres, les médiathèques, la gestion des fluides. 4 communes l’ont quittée sur les 11 initiales. Nous sommes par contre seuls sur la question des logements. La Région ? D’une façon générale, les compétences croisées posent problème. Tout le monde se mêle de tout et demande des rapports aux communes. C’est un embrouillamini épouvantable et coûteux de compétences. Les départements n’ont aucun sens. Nous avons signé un contrat avec l’ANRU et la Région. On est embarqué ainsi dans un projet réunissant Massy, Versailles, St Quentin et Saclay. Christian Blanc s’en occupe. Je suis content d’avoir un interlocuteur…Mais pour faire quoi ? On ne sait pas ! il est important de revenir à des compétences claires du genre le Département pour le RMI et non pas « J’en prends la moitié ». L’aménagement du territoire n’est plus ce qu’il était. On construit partout n’importe comment dans le parc naturel de la Haute Vallée de Chevreuse ! même chose pour le développement économique. Cela dit l’agglomération de St Quentin va bien. Trappes lui fournit 27% de la TP.
Q4. Comment vous en sortez-vous financièrement puisque vous êtes une commune pauvre ? Comment conciliez-vous vie communautaire et vie sociale ? Avez-vous réussi à créer une vie intercommunautaire ?
R. Trappes est une ville de pauvres, mais n’est pas une ville pauvre. La TP va à la communauté d’agglomération mais la taxe sur le foncier industriel bâti va à la commune et c’est important (N.D.L.R cf. l’emprise foncière de la SNCF sur la commune). Nous sommes par ailleurs beaucoup aidés de partout, par l’État, la Région…. Avec de bons projets, on peut toujours être aidé. S’agissant de la vie entre communautés, il y a deux blocs d’origines difficilement inter pénétrables, même à la mosquée : celui de l’Afrique subsaharienne d’une part, celui du Maghreb de l’autre. Nous avons par ailleurs un bloc de nationalités asiatiques très bien intégrées et un bloc de nationalités européennes dont les rapports avec le groupe maghrébin sont toujours difficiles.
Il faut d’abord respecter cela. Il faut ensuite développer des relations étroites avec les « patrons » des communautés, puis en passer par les actions culturelles et sportives (fêtes de quartier où chacun amène ce qu’il sait faire, école de musique et de danse etc…), le tout assaisonné de nombreux discours « républicains ». Mais il n’est pas question d’avoir une salle des fêtes marocaine !
S. N’y a-t-il pas un problème de prêches intégristes dans les mosquées ?
R. Si. Les religions, dès lors qu’elles abandonnent le rationnel, sont là quand l’État n’offre plus de lieux de refuge. Les musulmans sont à égalité avec les Catholiques dans la commune. Il y a un fort développement des Évangéliques.
Q5. Les bailleurs peuvent-ils construire des logements de qualité ? Avez-vous des bâtiments avec un mélange des communautés ? Y a-t-il des logements privés dans les quartiers HLM ?
R. Nous avons signé un contrat de gestion urbaine de proximité avec les bailleurs des ensembles réhabilités. Deux personnes suivent cela à la mairie. Si un bailleur ne respecte pas le contrat, nous demandons au préfet de réduire la part de la taxe TFPP dont il peut bénéficier. Il faut donc à la fois être sévère et partenaires avec les bailleurs. Il faut être juste. Quant à la mixité, aucun logement n’est attribué sans que l’on regarde le problème au niveau de sa cage d’escalier. On déplace en douceur des locataires difficiles. C’est un travail de fourmi. On a démoli 618 logements pour construire de l’accession à la propriété en mélangeant l’accession brute, l’accession protégée et l’accession liée au 1% patronal. Ils sont répartis sur 7 « squares » et comprennent 422 relogements. Tout ceci permet d’accroître l’interpénétration des communautés.
Q6. On voit que tout cela est un travail de petite fourmi. Faites-vous de l’échange d’expérience avec les autres maires ?
R. Au plan de la Région, non. J’ai par ailleurs abandonné la politique nationale. On parle bien sûr entre mairs, mais chaque ville est un cas différent, même pour La Verrière qui est mitoyenne.
Q7. Avez-vous pu faire entrer des leaders des communautés dans votre équipe municipale ?
R. Les communautés sont présentes dans l’équipe. Leurs représentants sont reconnus comme élus avec l’autorité correspondante. Mais ce ne sont pas forcément les leaders de leurs communautés. Ce n’est pas la même fonction et il ne faut pas mélanger les rôles.
Gérard Piketty
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