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05/01/1998 - Quelle communauté nationale voulons-nous ?

Pourquoi ce débat ?

D’abord parce que les parlementaires se sont penchés à nouveau sur la question de la politique d’immigration et de l’acquisition de la nationalité.

On sait que l’appartenance à la communauté nationale ne va pas de soi. Avoir en commun une langue est nécessaire mais est-ce suffisant ? Le débat sur l’acquisition de la nationalité avec l’exigence de l’acte de demande ou au contraire l’acquisition automatique par le simple jeu du jus soli est à nouveau posé.

Aujourd’hui les nations européennes abandonnent de plus en plus leur souveraineté au profit de l’Europe. Or, la souveraineté est l’expression vitale d’une nation. Doit-on admettre la disparition progressive des identités nationales au profit d’une identité européenne ?

On sait par ailleurs combien les nationalismes de tout poil sont à l’origine de catastrophes graves (nazisme, Yougoslavie, etc … ). On sait aussi qu’un nationalisme se justifie lorsqu’il exprime l’aspiration d’une population à se libérer d’un occupant. On sait en revanche combien un nationalisme est dangereux lorsqu’il s’exprime dans une nation qui ne subit aucune occupation étrangère.

La question est donc posée de savoir si l’identification à une nation ne doit pas être dépassée.

Mais que signifie s’identifier à une nation et d’abord que signifie l’identification ?

 

L’identité

L’enfant a une identité avant même de naître : dans le ventre de sa mère, il existe et se trouve identifié par le langage qui préexiste à sa naissance.

Pourtant l’enfant doit acquérir son identité. Cette conquête qui, peut-être, ne sera jamais parfaite, se fait progressivement par identifications successives aux parents, à l’entourage qui s’élargit au fur et à mesure de l’âge. Des problèmes peuvent apparaître lorsque les parents ont des nationalités différentes, des cultures différentes, etc.

La question de l’identification de l’enfant apparaît donc par la socialisation. On s’identifie d’abord à d’autres personnes et petit à petit se posera la question de l’identité autonome, c’est-à-dire indépendamment de l’entourage.

 

L’école

L’école joue un rôle essentiel dans l’intégration, mais l’école du  » patriotisme  » confrontée aux problèmes économiques du pays est devenue une école des consommateurs. Il faudrait lui redonner du sens, initier les élèves à la  » civilisation ‘. L’identification ne se fait plus dans la nation. Ne devrait-elle pas s’envisager dans la citoyenneté ou dans la culture qui donne du sens ?

Les nouvelles dispositions de la loi Chevènement sur l’acquisition de la nationalité française ou les modification de la loi sur l’accès à la nationalité allemande lorsque les jeunes ont fréquenté l’école dans le pays de résidence, témoignent de la reconnaissance de ce rôle intégrateur de l’école.

Faut-il ou non respecter les différences ethniques à l’école, lieu de passage obligé ? Ce sont en général les élèves d’origine étrangère qui sont le plus en difficulté. Si dans un premier temps, l’accent a été mis sur un travail dans l’environnement urbain et une présence dans les quartiers, actuellement on préfère mettre l’accent sur l’excellence de l’apprentissage en occultant les différences ethniques.

 

Le fait communautaire

La France a un système d’intégration fort ; mais ne faudrait-il pas donner un peu plus de place à l’intégration  » communautaire  » ? Entre le lien direct nation et citoyen ne peut-on avoir des relais qui facilitent l’intégration ? La Révolution Française a supprimé toutes les strates intermédiaires, associations et même familles qui ont du se battre pour exister et faire reconnaître leur rôle de relais indispensables à l’intégration. De même, le sport et tous les lieux qui favorisent la convivialité contribuent à rapprocher les personnes d’origines diverses.

Comme à l’école, se pose la question de notre attitude par rapport aux communautés ethniques. Nous, français, avons du mal à nous situer par rapport à elles et nous les considérons très souvent comme des ennemis. L’identité se construit non seulement par rapport à un passé commun (origines et mythes fondateurs) mais aussi par rapport à l’avenir. En renforçant les identités et les cultures ethniques, en poussant trop loin le respect des différences, nous pouvons créer des ghettos. Toutefois, certaines personnes d’origine étrangère ont besoin de se réapproprier leur passé. Leur identité française ne peut se construire sans que la communauté nationale ne reconnaisse leur apport culturel.

 

Identité nationale et avenir

Quel est ce projet qui contribue à l’identification à la Nation ? Vivre ensemble, mais pourquoi ? Un projet politique basé sur les valeurs françaises et républicaines ou bien un projet économique basé sur une communauté d’intérêts et sur la scolarité ? Le projet national est-il en panne actuellement ? Sur quoi est fondé le sentiment d’appartenance à une nation ? Transmission des connaissances ? Transmission de la culture ? Si l’on vit à l’étranger, on se sent français. Pourquoi ?

Cette notion d’identité évolue t-elle dans le temps ? Il est courant aujourd’hui d’entendre que l’intégration des maghrébins est difficile. Mais cette affirmation et les arguments qui sont cités à l’appui sont les mêmes que ceux qui furent évoqués il y a quelques dizaines d’années concernant les italiens, les espagnols, les polonais, etc. Il s’agit sans doute plus d’une question économique que d’une question culturelle.

Une autre question est posée : celle de la culture. Il n’est pas facile de définir ce que nous entendons par ce mot. De même nous répétons à l’envie que l’intégration de l’étranger est une des conditions de l’appartenance à la nation, comme si l’acquisition de l’identité nationale passait obligatoirement par cette intégration, sans pour autant que ce mot ne soit suffisamment défini.

Qu’en est-il dans les autres pays ? L’Allemagne applique un droit du sol qui fait que des allemands qui n’habitent plus l’Allemagne depuis des années, voire des générations peuvent néanmoins revendiquer leur nationalité allemande, alors que des turcs qui résident en Allemagne depuis plusieurs dizaines d’années ne peuvent pas revendiquer cette nationalité. Cependant, l’Allemagne a modifié récemment sa législation afin d’accueillir ceux qui ont été  » socialisés  » par l’école. Aux États-Unis, se sentir américain va de pair avec une appartenance à une communauté ethnique. Il n’y a pas recherche d’intégration dans le sens où on l’entend en France. Sur quoi se fonde l’identité nationale américaine ? Sans doute pas sur la culture au sens où nous l’entendons.

Hannah Arendt rappelle que les États-Unis ne constituent pas un État-Nation. Ce pays n’est uni ni par un héritage, ni par la langue, ni par le sol, ni par des souvenirs, ni par une origine identique. Il n’y a pas d’américains authentiques, à l’exception des indiens. Ce sont des citoyens par simple acceptation de la Constitution laquelle est sacrée parce qu’elle est l’acte fondateur des États-Unis. On pourrait dire que l’identité nationale aux États-Unis s’apparente à l’adhésion à un projet alors que l’identité nationale en Europe s’apparente à une histoire.

Y aura t-il une identité européenne ? Sera t-elle intégratrice et entraînera t-elle un effritement des identités nationales ou bien au contraire coexistera t-elle avec les identités nationales ? Il est plus vraisemblable que les identités nationales subsisteront et continueront à primer l’identité européenne pendant longtemps.

Sylvie Vacheret,

membre du Club citoyens

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