APRÈS UNE INTRODUCTION rappelant :
– que la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale devrait être examinée par le sénat en mars 1999;
– la lente reconnaissance depuis 1970 du concubinage hétérosexuel par une série de droits qui lui sont progressivement attachés ;
– le blocage sur les couples hétérosexuels marqués par les échecs du contrat d’union civile (CUC) 1992, puis du pacte d’intérêt commun (PIC), pour en venir aujourd’hui à un pacte civil de solidarité (PACS) apparemment asexués (il peut concerner deux membres d’une même fratrie), mais apparemment seulement, puisqu’il ne peut concerner plus de deux personnes ;
et que l’on se trouve face à trois types d’attitudes :
– la première reconnaît le fait du couple homosexuel et la nécessité de lui accorder des droits sur la base d’un contrat de droit privé. Elle refuse toute ‘forme de contrat publie par nécessité de valoriser le couple hétérosexuel et pour ne pas ouvrir la voie à des débats sur la filiation.
– La deuxième, peu différente, et défendue en particulier par Irène Théry, est ramassée dans la formule » des droits pour le couple mais pas pour la famille homosexuelle « . Elle suggère de reconnaître le concubinage homosexuel, mais refuse toute ouverture sur l’adoption.
– La troisième défend le PACS pour régler trois problèmes : la reconnaissance du couple homosexuel, un statut pour ce couple, faire bouger l’opinion sur ces problèmes.
Le débat est ouvert. Il fait ressortir les points suivants :
– Le PACS est né au départ d’une pression d’une minorité homosexuelle attachée essentiellement à une reconnaissance symbolique du couple homosexuel.
L’introduction tardive des fratries comme bénéficiaires possibles du PACS a servi essentiellement de leurre. Tel qu’il est, le PACS n’apporte pas le même reconnaissance du couple que le mariage. Il est donc probable qu’il ne satisfera pas longtemps ses demandeurs. D’ailleurs, la question de savoir, si en préalable, les participants au débat sont ou non d’accord pour reconnaître une égalité de droits aux couples mariés ou non mariés, est même posée 1 (égalité de droits… et d’obligations, mais alors autant en rester au mariage).
– En amont du débat se situe la question du déterminisme psychobiologique de l’engagement homosexuel avec, en arrière-plan, la crainte que le PACS ne favorise le développement de l’homosexualité dans la société. Les réactions à cette question sont partagées, certains pensant qu’une loi ne changera pas grand chose aux comportements, d’autres étant plus dubitatifs face à l’importance du signal culturel et sociétai que représenterait l’adoption d’un statut ne distinguant pas un couple homosexuel et un couple hétérosexuel.
À cet égard, il est dit vigoureusement que le PACS n’a pas de sens pour les couples hétérosexuels pour lesquels le choix est entre l’union libre et le mariage. La 44 répudiation » sans frais, permise par le PACS est même une régression sociale qui encombrera les tribunaux de contentieux et fera la joie des avocats.
Dit autrement, qu’est-ce qui peut pousser des couples hétérosexuels à » pacser » et à dépasser la belle liberté du concubinage sinon que le PACS maintient intacte cette belle liberté ?
Les avantages supplémentaires qu’il offre, devraient être la contrepartie d’un engagement qui doit inclure l’enfant ou du moins sa possibilité (une intervenante note même que le PACS comprend des avantages supérieurs au concubinage et des engagements moindres!). À cet égard, il faut dire que les couples féconds non mariés sont nettement moins stables que les couples féconds mariés.
Un autre intervenant note cependant que le PACS assure la transmission » psychologique et sociale » de la reconnaissance du couple des concubins hétérosexuels aux descendants.
– Même si, comme le note une intervenante, le projet de loi est intéressant précisément en ce que, pour la première fois, il aborde le problème du couple en dehors du problème de la famille, la plupart pensent qu’il est difficile de séparer la question de la reconnaissance du couple de celle de la filiation, bien que, sur certains points particuliers (nationalité du conjoint par exemple) cela ait pu être fait.
L’État ne s’est intéressé au couple jusqu’ici qu’en raison de l’interface qu’il constitue avec la filiation parce que la société ne peut se perpétuer sans enfants. D’ailleurs la question est alors posée de savoir ce qui justifierait sans cela de donner des avantages supplémentaires aux couples plutôt qu’aux personnes seules? Ou, à l’inverse, à des couples plutôt qu’à des communautés de plus de deux personnes ?
Aussi, certains veulent-ils voir dans le PACS une amélioration du droit des personnes, même si l’ambieité est évidente.
Mais, pour la plupart, il ne faut pas se dissimuler que la question de fond, voir l’unique question de fond derrière le PACS est de savoir si un couple homosexuel peut être considéré comme une famille avec les questions de filiation qui lui sont attachées ? Touche-t-il à l’identité de la famille ?
Cette interrogation suscite les remarques suivantes: l’anthropologie montre que la filiation a jusqu’ici,
toujours été organisée autour de la différenciation sexuelle au sein du couple même en cas de pluriparentalité ;
si a priori, la sexuation de l’enfant se fait grâce à la différenciation sexuelle de ses parents, il faut admettre que la réalité n’est pas d’un seul bloc: la sexuation peut ne pas se faire » normalement » au sein d’une famille hétérosexuelle et l’inverse est possible au sein de » familles homosexuelles » comme on peut le constater puisque de telles situations existent déjà.
Mais ceci ne suffit pas à justifier la reconnaissance symbolique du couple/famille homosexuelle car, de façon fondamentale, il est un déni de la différence des sexes et il n’est pas possible de référer l’enfant à un seul sexe pour son identité sexuée qui touche à la question de l’origine et de la généalogie.
Or, il est noté à ce sujet que le père assume une fonction de médiation et de séparation entre l’enfant et sa mère. C’est sa parole qui, pour une bonne part fait sa paternité. Elle doit notamment dire l’interdit de l’inceste. C’est le père qui par ailleurs ouvre à l’enfant la possibilité de construire sa sexualité en évitant l’appauvrissement de ses relations affectives. Mais il reste qu’il faut distinguer la fonction et la place du père. La fonction prime sur la place (au sein du couple ou non) et c’est la mère qui va référer l’enfant à un père symbolique même si elle ne vit pas avec lui. Il faut même considérer que la fonction peut être jouée par des moyens différents, pas forcément rattachés à une seule personne. Ceci étant, tout cela suppose une intelligence de la vie peu commune qui ne peut être promue comme une base de la vie sociale.
– La plupart considèrent que le texte est mauvais et surtout qu’il n’a pas été préparé par un large débat contradictoire sur une longue période (de l’ordre de cinq ans), comme cela a été le cas pour la loi Veil, pour faire mûrir la réflexion sur un vrai problème de société. Il faut en effet sortir pour de bon d’hypocrisies moyenâgeuses, mais on peut simultanément parler des droits et devoirs du citoyen et prévoir un dispositif facilitant l’irresponsabilité ( » Basta chérie, Chao ! on arrête ! « ). Le Sida a révélé la fragilité des plus faibles (les moins riches). Il faut faire quelque chose, reconnaître qu’il existe plusieurs formes d’union car le droit doit accompagner les changements de la société. Si on ne le faisait pas, et si la société s’accrochait au mariage, on pourrait même craindre une diminution de son usage qui, paradoxalement, pourrait être dynamisé par cette reconnaissance.
Mais ne faut-il pas en rester à cette fin au niveau du droit des personnes, car c’est bien la reconnaissance publique (symbolique, dit-on) qui pose problème dans le PACS.
Toujours dans le paradoxe, un intervenant se demande, si, justement, le PACS ne pourrait pas être le moyen légal de refuser l’adoption aux couples » pacsés » alors qu’elle est possible pour les célibataires !
En tout cas, il est noté à plusieurs reprises qu’il y a de meilleures solutions que le PACS pour donner des avantages supplémentaires à tous les concubins, y compris homosexuels, et que ce contrat intermédiaire entre l’union libre et le mariage obscurcit les choses.
Il reste aussi, comme le note une intervenante, qu’il serait peut être plus indiqué d’aborder ce débat par la question de savoir la place que la société entend donner à l’enfant. Une politique de gauche devrait donner à l’enfant le pouvoir de conserver son père, sans doute déjà par une reconnaissance plus forte de la paternité pour les enfants nés hors mariage. Le domaine est à explorer et beaucoup de choses peuvent être inventées.
En conclusion de ce débat, la question est posée de savoir ce que l’on peut faire pour infléchir un cours des choses qui n’est pas satisfaisant, la plupart pensant qu’il faut s’en tenir à une reconnaissance du concubinage homosexuel, peut être une amélioration du concubinage sur certains points et regrettant en tout cas une hâte excessive et l’absence d’un débat national suffisamment long pour mûrir correctement les questions, les aborder par le bon bout, s’assurer d’une adhésion plus large et plus réfléchie du corps social.
Le Club citoyens ne peut prendre position, en tant que tel, mais le compte rendu de la séance peut être utile, ne serait-ce que pour fonder une pétition pour ceux qui le souhaiteraient.
Gérard Piketty,
membre du Club citoyens
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