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20/06/2022 – Travail et inégalités – Hervé Lanouzière

François Colly présente Hervé Lanouzière : il a été Inspecteur Général des Affaires Sociales à
la Direction Générale du Travail, chargé de la santé au travail et de la prévention des risques
psycho-sociaux. Il est actuellement Directeur de l’Institut National du Travail.
H. Lanouzière explique que l’INT est le lieu où sont formés tous les agents, les inspecteurs du
travail, les administrateurs, où s’élaborent la pensée et le transfert de compétences sur
l’évolution du travail, « l’algorythmisation » du travail qui va « plus vite que nous », et une
agence pour l’amélioration des conditions de travail. Lui-même a fait un pas de côté dans le
privé pour comprendre l’évolution des modes et des conditions de travail.
Il annonce 2 parties à son exposé,

Les transformations sont énormes, les modèles économiques percutés. On liquide ou on
prend des jeunes qui travaillent la nuit… Comment traverser ces transformations pour ceux
qui ont 20, 30 ans d’ancienneté ? Améliorer les salaires et les conditions de travail ?
Un point commun : les salariés doivent s’adapter !
Pour un certain PDG de France Télécom, on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs : on ne
devient pas le premier groupe de téléphonie mobile sans casse ! Mais Deutsche Telecom n’a
pas eu de suicide !
Il y a 3 acteurs : l’employeur (exige l’adaptation socio-productive de l’organisation), les
salariés (ont des exigences nouvelles, avec des enfants à élever, des handicaps, etc., ils
veulent du télétravail) et l’usager (tout, tout de suite et un produit original, une voiture à
options).
Le système ancien a explosé. Quels arbitrages entre ces 3 exigences ? Les transitions sont
dures et créent des frictions. Flux tendu, plus de stock et on change les outils de production
pour avoir toute la gamme d’options. Chaque voiture a ses options : le plateau arrive et le
salarié a un robot qui lui dicte ses options.
En 20 ans, explosion des risques psycho-sociaux. On est au cœur des inégalités avec ceux qui
ne peuvent pas s’adapter aux changements, d’où explosion des absences/maladies qu’on
appelle « harcèlement moral ». Des salariés pleuraient dans la grande distribution, des gens
qu’on punit, on les change de bureau, on éloigne leur place de parking, on fait les réunions
de service sans eux … On relie ces problèmes à des relations individuelles entre le méchant
et sa victime ( Irigoyen). On a mis 10 ans à trouver que ce n’est pas ça. C’est comme le stress,
on envoie chez le psy pour adapter le stressé au stress. Le massage de 13h à 14h ce n’est pas
la solution. C’est l’organisation du travail qu’il faut transformer.
L’employeur ne peut plus invisibiliser les risques psycho-sociaux, le turn-over,
l’absentéisme. J’ai audité un hôpital public : quand il y a en permanence 10 à 17%
d’absentéisme dans un hôpital, le désengagement au travail et une explosion des maladies
nosocomiales.
Les innovations doivent être conduites avec les salariés. La qualité de vie au travail, ce n’est
pas installer un baby-foot ou distribuer des bonbons. Il faut recréer des espaces de dialogue,
trouver des compromis, avec les capacités des salariés à s’exprimer et à s’organiser.
Les salariés ont des attentes nouvelles. Les employés UBER ne veulent pas du salariat malgré
la sécurité du CDI. Comment les couvrir en cas d’accident, de maladie ? Comment organiser
des situations sécurisées juridiquement dans une logique d’expérimentation ? »

Questions