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07/11/2022 – Transformer l’économie avec ou sans nucléaire ? Sylvaine Dhion

S.Dhion est Ingénieure et a fait sa carrière dans l’énergie, le nucléaire et le solaire (CEA, Areva, IRSN), notamment à l’international. Elle a été cheffe du service ingénierie export à Framatome. Elle fait partie de l’équipe de Jean Marc Jancovici et nous présente le livre édité chez Odile Jacob « Climat, crises : le plan de transformation de l’économie française » (éd.O. Jacob) sous la direction de Jean Marc Jancovici. Elle fait partie des Shifteurs, thinktank de bénévoles préparant et promouvant la décarbonation de l’économie française.

1. D’abord, le contexte : les émissions anthropiques depuis 1850. Au 19°s. se développe l’utilisation du charbon, puis du pétrole à partir de l’Europe et des Etats-Unis avec l’industrialisation qui provoque une augmentation lente des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), puis de plus en plus rapide au 20°s, avec la mondialisation de l’industrie. Il y eut quelques creux d’émissions de GES (guerres et crise de 29) et des rebonds après. Le Covid a provoqué le dernier creux. Et si la trajectoire d’émissions se poursuit, la température moyenne augmentera de 4 à 6° à la fin du 21ème siècle. La COP 21 a pris la résolution de limiter le dérèglement climatique à un réchauffement de 2° dont chacun sait déjà les effets (sécheresse, incendies, inondations, ouragans, etc.) et les causes (les GES : CO2, méthane et protoxyde d’azote), et d’atteindre la neutralité carbone par la réduction des émissions et le développement de puits de carbone (océans, forêts). Il faudrait 5% de diminution des émissions planétaires par an (on y est arrivé durant 1 an grâce au COVID) Comment y arriver ? Il y a urgence, il faut décarboner toutes nos activités.

2. Le plan de transformation de l’Economie Française : Le Shift Project (édition Odile Jacob février 2022) (100 000 exemplaires vendus)

Nous proposons un plan de marche. Il faut moins manger de viande, moins d’avion. Conséquences dans ces filières, beaucoup d’emplois détruits. Il faut réduire de 5% par an les émissions de GES et créer autant d’emplois qu’on en détruit, par ex. dans l’agriculture.

Il y a un risque dès 2022 sur l’approvisionnement de l’Europe où les quelques gisements (Norvège, mer du Nord) sont en voie d’épuisement, de moins en moins rentables : La transformation du système énergétique doit être planifiée très à l’avance : 7 à 9 ans pour un parc d’éoliennes, 15 ans pour une centrale nucléaire.

Propositions : impulser très vite les grands travaux électriques, piloter à distance les objets connectés au réseau. On n’a pas le luxe de ne pas tout faire à la fois, d’autant que l’on n’est pas sûrs de construire rapidement les centrales nucléaires.


3. Panorama de ce que les autres font dans le monde, pour le nucléaire civil :

4.  Avantages et inconvénients des différentes sources d’énergie

L’avantage est l’intensité carbone de l’électricité parmi les différentes sources d’énergie.  Le nucléaire est très concentré : il produit 1 million de fois plus que le charbon.

L’autre avantage est le suivi de charge quand les autres sources d’énergie sont indisponibles (ni vent ni soleil), et il est mieux que le charbon ou le gaz qu’on doit utiliser en complément.

 L’hydroélectricité dépend de la surface noyée et le barrage demande du béton, mais on peut utiliser l’électricité quand il y en a trop, pour pomper l’eau, et la restocker en amont (pompage-turbinage).

Le solaire consomme de la surface et des terres rares, l’éolien consomme beaucoup de béton, donc d’énergie et de sable. Et les matériaux demandent du pétrole pour les extraire et les transporter. La biomasse transformée est en concurrence avec d’autres usages de nos terres et forêts.

5°) Pourquoi le nucléaire ?

La sûreté : En France, il est géré par l’Agence de Sûreté Nucléaire, créée en 1973, indépendante, qui a le pouvoir de fermer une centrale. Elle publie un rapport annuel sur les incidents, donne ses avis. Elle a effectué 1500 contrôles en 2020 et certifie que « les exploitants assurent un haut niveau de sûreté ».

Les déchets : gérés par l’Agence Nationale des Déchets Radioactifs (ANDRA) qui tient un inventaire national public : 1 700 000m3 de déchets radioactifs. Ils sont classés selon leur degré de radioactivité et de temps d’activité. Les déchets de Haute Activité/ à Vie Longue (HAVL) tiennent dans 4000 M3 (une piscine olympique).

On recycle les déchets pour leur uranium et plutonium.

Conclusion : notre imaginaire du nucléaire, c’est la bombe atomique. Le nucléaire pourrait évoquer autre chose !

Questions

Q – Si on parlait de la sobriété ?

R. Il faudrait limiter la vitesse à 110km/h, rénover les passoires thermiques, baisser le chauffage, avoir une alimentation locale, moins carnée, avec moins de fertilisants.

R. Le nucléaire est très capitalistique, seuls les Etats peuvent le financer car la rentabilité est très longue. Les organismes qui financent les fossiles s’en dégagent et peuvent investir dans le nucléaire.

La position du Shift Project est de faire le maximum de tout, le nucléaire et les renouvelables, et la sobriété, pousser tous les curseurs.