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05/03/2018 – Les défis du grand Paris – Pierre Veltz

Exposé

L’Ile de France représente 12 Millions d’h., 32 ou 33 % du PIB français, 40% des dépenses en Recherche et Développement même si la localisation du PIB est toujours un peu arbitraire et si on peut dire que cette surreprésentation est en partie due aux salaires plus élevés en IDF.

Bien sûr, pour beaucoup d’élus provinciaux, on s’occupe trop de Paris. Pourtant, ce n’est pas si vrai …

Revenons en arrière : La grande réforme de Delouvrier en 64-68, sous De Gaulle, qui a supprimé le département de la Seine (qui avait pourtant permis la mise en place d’une politique du logement) et installé 8 départements, 3 en première couronne et 4 en seconde couronne, a été déterminée pour contenir la « ceinture rouge » du PCF en Seine  St Denis et Val de Marne. Une remise en ordre du tissu anarchique ( « bordel » d’après le mot de De Gaulle) a été effectuée, avec la création de villes nouvelles et du RER  et lignes de banlieue radio-concentriques.

Mais 50 ans plus tard il fallait un changement d’échelle. Sarkozy a demandé à Christian Blanc de penser un Grand Paris et il a pensé travailler sur des territoires pour des projets stratégiques comme Roissy ou le plateau de Saclay ? On a reconnu la nécessité de repenser le schéma de transports sur un mode tangentiel et non plus radial.

On a donc créé une société ad hoc, Le Grand Paris Express. Mais les coûts ont dérapé, il a fallu retarder le calendrier pour des raisons budgétaires, tenir compte de la dette. On a donc reporté les accès au plateau de Saclay.

– Grand problème des inégalités croissantes internes à la région IDF. Les inégalités sont de moins en moins interrégionales mais à l’intérieur des régions elles-mêmes (inégalités « de proximité »). Cela vaut pour toutes les métropoles. Entre l’ouest et l’est de l’IDF, la situation s’est aggravée. Il n’y a ni mécanisme régulateur ni volonté politique de les réduire des inégalités qui croissent par le haut. Il y a encore des zones de relative mixité sociale en IDF mais la tendance est à la diminution.

La cause en est une gouvernance éclatée : tellement d’acteurs, de free riders et personne en charge de la corriger.

Elle a deux visages :

– Pour le plateau de Saclay, nous avons 6 communes dont Palaiseau et Gif-sur-Yvette qui avoisinent les 25000 habitants mais aussi Saint Aubin qui compte 250 foyers. Il est entendu par tous qu’on ne fera rien sur cette commune hautement résidentielle. La question du logement est centrale mais les maires qui acceptent de construire sont l’exception (« Maire constructeur, maire battu »). Les intercommunalités pourraient théoriquement corriger cela mais elles fonctionnent trop sur le mode du copier-coller : on ne se fait pas de difficulté entre élus. Il faudrait une élection du président de l’intercommunalité au suffrage direct (Qui connaît le président de son « interco » ?).

Il y a eu la création de la Métropole du grand Paris qui regroupe paris et les trois départements (130 communes) de la « petite couronne ». Mais les grands enjeux sont dans la deuxième couronne !

Va-t-on en rester à ce schéma ? Macron prend son temps. Il a compris que le problème était difficile face à deux thèses :

  1.  On reste dans ce schéma
  2. L’échelon naturel est la Région. Les zones agricoles sont en fait intégrées dans le système. Les institutions devraient être changées (Le transport est déjà à ce niveau)

Il faudrait en dessous de la Région une vingtaine d’intercommunalités effectives de 400 à 500000 habitants et garder l’échelon communal qui fonctionnerait bien si les « interco » marchent bien. La question des départements n’est pas majeure. Je suis partisan de cette deuxième thèse.

La France. La thèse à la mode est celle des deux Frances. D’une part celle des métropoles d’autre part celle des oubliés.

Elle résiste mal à l’analyse. Les inégalités interrégionales se réduisent et il y a des territoires en désertification (en gros des Ardennes au massif central) en attente de politiques publiques. Un grand nombre de métropoles de province marchent bien (Par ordre décroissant : Toulouse, Bordeaux, Nantes, Lyon, Rennes) , d’autres  moins bien ( ille, Strasbourg, Grenoble). La carte de la pauvreté n’oppose pas les villes et les campagnes (Une grande partie du monde rural va bien et a tendance à se repeupler) mais reste à l’intérieur des grandes villes.

L’image des deux Frances est donc fausse. Il faudrait se demander pourquoi elle résonne si bien dans l’opinion. L’étude des résultats électoraux montre un « gradient d’urbanisation » : les votes extrêmes  croissent du centre à la périphérie des métropoles (de 18 à 26 % pour le FN).

L’effet TGG est considérable ! La moitié de la population est à moins de 2 heures de Paris. La France commence à fonctionner comme une seule métropole en réseau (Métropole distribuée). C’est cela qu’iil faut valoriser plutôt que de pleurer sur les différences entre les métropoles et le monde rural.

 

 

Débat

                Q1. Le TGV rapproche-t-il de la province ou de Paris ?

Il y a un problème de transport majeur à l’intérieur du grand Paris. Celui-ci attire facilement les jeunes mais dès l’âge du premier enfant, le solde migratoire pour l’IDF devient négatif. Le rapport quallité/prix de la vie est nettement à l’avantage de la province.

Q2. Problème du logement ? N’est–il pas dû autant à la frilosité des maires qu’à l’insolvabilité ou à la précarité des revenus des particuliers ?

R1. La résistance des maires des petites cmmunes est un phénomène assez général (cf. Saint Aubin sur le plateau de Saclay) . Pour s’en sortir il faut déplacer le pouvoir décisionnel à un niveau plus élevé. Ceci étant le problème du logement locatif est posé

S1. Le préfet peut imposer la construction à la commune dans le cadre de la loi SRU mais dans l’ensemble ne le fait pas.

R2. Le pouvoir cherche sa voie dans la complexité ambiante. En matière d’urbanisme, il n’y a pas de pays plus décentralisé que la France. Idem dans le domaine économique.  Il faudrait des plans d’urbanisme intercommunaux.

C’est un vrai gros problème. L’intercommunalité serait un moindre mal mais elle pose en l’état un vrai gros problème démocratique. Il faut viser l’élection du président de l’« interco » au suffrage direct. Les corps intermédiaires ne peuvent se réformer par eux-mêmes (pb du cumul des mandats).

Ceci dit une nouveauté dans le paysage : des fusions volontaires de communes. Le problème du morcellement des communes dans le grand Paris est surtout posé dans la 2ème couronne.

Q3. Qu’en est-il de l’évolution de la réalisation de la ligne 18 ?

R. Les chiffres ont été très sous-évalués : le CEA avait organisé dès le début son propre système de transport et il y a d’autant moins de pression des communes du plateau de Saclay pour pousser à la solution du problème que très peu des travailleurs y vivent et que les communes ne veulent pas de transports sur le plateau. Lors de l’enquête publique, les registres des communes étaient noirs d’opposants (La métropole de Lyon a été créée avec un statut particulier : les compétences du département sont exercées pas la métropole. Elle est encore trop petite par rapport au périmètre de son bassin d’emploi. Pour Aix-Marseille, J.M. Ayrault voulant avancer a nommé un préfet pour cela. Mais les inégalités sont considérables et le système de transport est minable).

Q4. Sur quelles projections démographiques travaillent les gens sur le grand Paris ?

R. L’IAURIF prévoit une stagnation autour de 12 Mh. L’essentiel du développement est lié au solde naturel. La population est relativement jeune. Les enfants d’immigrés portent la croissance Mais le problème est compliqué (multirésidences) et l’absence de statistiques ethniques ne facilite pas une vision claire du problème.

Q5. Que retirer de la comparaison avec d’autres métropoles européennes, Londres par exemple ?

R. La logique à l’œuvre est totalement différente. Londres se pense comme une ville globale (Singapour on Thames). Et se fiche de la province.  Le Brexit confirme l’écart considérable entre Londres et le reste du pays. Paris vit beaucoup plus en symbiose avec les villes de la province. En UK, le système de transport est désastreux hors de la capitale i.e du grand sud-est. Londres joue sa carte à l’échelle mondiale.

Q6. Quid de la conurbation nucléaire de la vallée de la Seine dont on a beaucoup parlé ?

R. Pas de projet d’infrastructure lourde aujourd’hui, ce qui est un problème pour le port du Havre. La « ville linéaire » ne tient pas la route. Pas assez de potentiel démographique et économique.

Q7. La question de la transition énergétique est-elle importante pour le grand Paris ?

R. oui mais elle n’est pas vraiment dans l’agenda des politiques sauf opérations ponctuelles. Les vrais problèmes des questions écologiques sont des problèmes d’échelle. La valorisation de la géothermie profonde se pose à l’chelle du bassin parisien (NDLR : potentiel relativement limité de la nappe du DOGGER entre 1500 et 1800 m de profondeur permettant l’extraction d’une eau très corrosive d’une température de 60 à 80 °C et la réalisation de réseaux de chaleur d’extension limitée à proximité des puits d’extraction).

Il ne faut pas de même se tromper d’échelle en matière agricole. Paris n’a jamais été autosuffisant. L’idée d’une ceinture maraîchère autour de Paris est bancale.

Q8. Organisation de la gouvernance du grand Paris ? Laisse-t-on pourrir le problème ?

R. Le problème est sur le bureau du Président Macron.

Q9. Organisation de l’urbanisme ? Comment les pôles en gestion autour des gares vont-ils s’articuler les uns avec les autres ?

R. Question très importante mais dont on se préoccupe peu. Exemples :

o   Logistique urbaine du dernier Km (Amazon, coursiers, stationnement …) ? Si on laisse faire, cela ne peut que dysfonctionner. Les grands centres logistiques sont de plus en plus loin des centres villes. Il faudrait une politique de réservation de zones dans le cœur des agglos. Beaucoup de groupes de travail sur la question depuis 20 ans mais sans résultats.

o   Urbanisation autour des gares ? Les ZAC perdent du terrain au profit d’opérations clés en mains confiées à des opérateurs privés. Les élus aiment bien cela. C’est un phénomène analogue à celui de l’externalisation de fonctions par les entreprises. La métropole du grand Paris se développe comme cela autour de ses gares sans aucune vision d’ensemble. On va dans le mur avec trop de bureaux alors que les modes de travail vont changer profondément.

S. On donne le pouvoir à Vinci ou à Bouygues !

R. Je ne suis pas contre Vinci ou Bouygues mais à chacun son métier.

Q10. Combien de cadres à la métropole du grand Paris ?

R. C’est le parlement des maires ! In fine l’les arbitrages des opérateurs privés se font au niveau des maires concernés indépendamment les uns des autres, autant dire que bien souvent finalement c’est le marché qui tranchera.

 

 

SC-GP