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04/10/2021 – Géopolitique et sécurité globale – Bertand Badie

« La notion de Sécurité Globale, «Global Security», est l’objet de dizaines de commissions

internationales, mais est ignorée en France où elle est confondue avec les problèmes de police.

« Il faudrait rebaptiser le titre de cette conférence sur la géopolitique. Les puissances

mondialisées dont les relations internationales forment la géopolitique, je n’y crois plus. Je me

révolte contre l’usage excessif de la géopolitique ».

Ce mot a une histoire, qui commence en Allemagne en quête d’unification au 18-19° siècle. Dans

le monde westphalien (après le traité de Westphalie ,1648) s’est formée la première carte durable

de l’Europe. Ce sont alors les relations inter-étatiques qui comptent. Les principes :

– Principe de territorialité : les frontières du territoire marquent la souveraineté, la compétence

de l’Etat qui assure la sécurité. On a besoin du Souverain (le Leviathan) pour organiser la

sécurité et éviter la guerre de tous contre tous.

– Le choc des puissances : c’est l’idée d’une compétition entre Etats souverains et pour

organiser leurs relations, il y a la guerre. Hobbes avec Le Léviathan (1651) est le fondateur de la

politique internationale. Entre puissances, c’est la course à la puissance. La paix c’est l’avantguerre, l’entre-deux guerres. Hobbes prône donc l’équilibre des puissances pour prévenir

l’attaque par un voisin. C’est ce qui s’est passé en 1945 et avec la Guerre Froide : la solution

de l’équilbre thermonucléaire.

Mais c’est fini sauf dans la tête des dirigeants !

Ex : Les printemps arabes, les guerres civiles (Libye, Syrie), qui deviennent éventuellement des

conflits inter-étatiques après.

Est-ce que la puissance mène encore le monde ? Les guerres ne se gagnent plus. Et souvent

c’est le plus faible qui gagne ( Vietnam 1975, 25 août 2021, etc.)La puissance est impuissante.

Après la guerre en 1945, les USA vainqueurs pensaient que la puissance écraserait le Mal,

sauverait le monde, et universaliserait la démocratie. Les descendants des pèlerins du Mayflower

se voyaient un rôle messianique. Ils prolongeraient partout le système européen d’états

souverains appliquant le droit international, obéissant à Hobbes.

C’est fini du fait de :

– La décolonisation. Avec elle, le monde devient mondial, se dépolarise. En 89, quand Bush père

rencontre Gorbatchev, ce dernier n’est pas intéressé par la compétition. La disparition d’un

camp fait disparaître l’autre.

– Il y a diverses lectures de l’international ! Xi Jin Ping n’a pas lu Hobbes.

– L’abolition du temps et de l’espace par la vitesse de la mobilité et internet = mondialisation.

Tout dans l’ordre westphalien était statique. Aujourd’hui, essor des déplacements, des migrations

qui sont l’avenir du monde. Aujourd’hui, tout bouge, surtout les imaginaires : L’arrière-grand-père

voyait local, le grand-père national, le père international, nous, mondial.

– Tous les humains sont dans le même bateau, riches ou pauvres. L’Interdépendance.

Les USA et la Chine dépendant l’un de l’autre, par la dette et les chaînes de valeur. Quelle

souveraineté gardent-ils ?

– L’inclusion fait monter les préoccupations sociales et économiques.

D’où la mutation de l’idée de Sécurité.

Il y a bien moins de guerres inter-étatiques et qui font peu de morts. Le terrorisme en fait

davantage, surtout au Sud.

Les nouvelles insécurités proviennent d’enjeux globaux, facteurs de conflictualité :

le changement climatique, l’insécurité alimentaire, les enjeux sanitaires (pandémies et

paludisme).

Des politiques nationales ne sont plus en mesure d’y remédier. Seules des mesures globales le

pourraient. Fermer les frontières est dérisoire : la guerre des masques, des tests, des vaccins, des

statistiques entre les états sur la gestion de la pandémie a été désastreuse.

Les conflits sont des chocs de faiblesses, non de puissances, le résultat de décompositions

sociales. Ex: le Sahel où la désertification progresse vite et où interagissent toutes les insécurités

globales.

Ex: le golfe de Guinée où le pêcheur ruiné par la pêche industrielle fait des trous dans les pipelines qui polluent les champs des cultivateurs qui s’organisent en bandes d’auto-défense recrutés

par les djihadistes. « On coupe des mains et c’est plus calme. »

Les entrepreneurs de violence profitent de la détresse sociale. C’est un peu le même processus

qu’en Afghanistan. Contre de telles évolutions, les interventions militaires ne marchent pas. Il

faudrait traiter l’insécurité globale.

Traiter les relations inter-sociales et les menaces globales

Un exemple en Europe : grâce à Erasmus, l’intersocialité grandit entre les jeunesses.

Que font les Nations Unies ?

– Au Conseil de Sécurité, à la visée inter-étatique, la paralysie !

– L’activation efficace vient des Agences Onusiennes pour le développement:

ODD, OMS (plus de variole en Afrique), PAM ( le chiffre de la sous-alimentation n’a pas augmenté

alors que la population a doublé.)

Sur la question climatique :

Il faut inventer une solidarité utilitariste. Etre puissant demande de repenser la puissance : « une

bonne diplomatie, c’est une diplomatie modeste » Le Japon et l’Allemagne, les vaincus de la

guerre s’insèrent mieux dans la mondialisation pour en tirer le maximum d’avantages.

L’OTAN, est une alliance pérenne et institutionnalisée inter-étatique qui a été continuée par Bush

après la fin de la guerre froide. Une alliance de cet ordre a t-elle encore un sens ?

Poutine passe des alliances avec n’importe qui, XiJinPing aussi et il reçoit les mollahs afghans

tout en enfermant les Ouighours.

Le Pape, lui, s’est emparé des sécurités globales ! C’est la contrepartie du « Le Vatican, combien

de divisions ? » de Staline ! Sans puissance, le Pape François ne se trompe pas de combat et a

une action par-delà les Etats.

Les Etats sont amenés à décider de moins en moins (comme le montrent les printemps arabes en

Tunisie). La pression des ONG ou des mouvements sociaux est un moteur plus puissant pour faire

face aux menaces qui sont globales.

Q. : – Les révolutions des printemps arabes ont toutes échouées même en Tunisie.

Réponse : – Les étudiants ont acquis une conscience politique, les mouvements populaires jettent

les bases d’un nouveau régime. Malgré l’Empire et la Restauration, 1789 a jeté les bases d’un

nouveau régime.

Q : – Mais aucune réforme n’a vu le jour en Algérie, en Egypte, ni en Tunisie… »

R – Il y a eu malgré, tout, une montée de la prise de la jeunesse, en particulier, dont on peut espérer qu’elle finira par porter ses fruits.