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07/02/2022 – Où va la France ? Michel Wievorka.

M. Wieviorka, sociologue,  a publié récemment « Métamorphose ou déchéance, où va la France ? »

Une question lui est immédiatement posée  : «  Comment quelqu’un qui est de gauche se saisit-il du terme de déchéance, qui est utilisé par la droite et même l’extrême-droite aujourd’hui ?

M. W. répond qu’il a souhaité éviter «déclin» ou «décadence». Ce livre cherche à éclairer l’actualité sans la commenter, livre issu du calme obligé du confinement  et nous invite à regarder par en-haut  l’Etat, et par en-bas la société.

L’Etat

Si on étudie l’histoire de l’Etat français depuis 1945, on observe une tendance qui s’accentue : celle d’une désarticulation de l’Etat proprement politique et de la haute administration. Il y a une dissociation entre ces deux faces de l’Etat avec des conséquences ennuyeuses. L’Etat administratif s’est alourdi. La décentralisation n’a pas abouti. On croit prendre des décisions, mais elles se perdent dans cet Etat gazeux, parfois même fangeux, avec des techno-bureaucrates qui ont un pouvoir énorme. Je n’ai pas rencontré ce que certains (plus ou moins complotistes) appellent « l’Etat profond » qui en secret exercerait le « vrai pouvoir », sauf peut-être dans le domaine militaire (un ingénieur général de l’armement truque quelquefois les chiffres) ou parfois au niveau local.

La société

  On peut évoquer aussi la revendication de la liberté de décider soi-même le moment de sa mort (euthanasie)

On peut donc se demander comment trouver des acteurs sociaux modernes, renouveler la représentation pour que le Haut et le Bas de la société  se réarticulent car on en est loin aujourd’hui. L’idée de démocratie permet d’affirmer un corps social et de traiter les divergences, les groupes. L’idée de république  renvoie à l’unité. On a donc des appels incantatoires à la République. Dans les affaires de critique du wokisme (intolérance radicale aux discriminations) où l’on s’insurge contre ce qui semble les excès d’intolérance de la cancel culture (qui ostracise ceux dont le comportement est considéré comme discriminant ou qui déboulonne les statues d’esclavagistes), on ne voit pas les 2 faces de ces mobilisations :

Tout cela appelle une transformation de notre système politique.

Les choses peuvent-elles se transformer par le haut ? Par des réformes ? Des conflits peuvent-ils imposer la renaissance des corps intermédiaires ? Macron refuse toujours de les valoriser ! Il ignore Laurent Berger et la CFDT, Il supprime l’Observatoire de la laïcité avec J.L. Bianco qui jouait un rôle très positif. Elle a d’ailleurs été remplacée par une association indépendante, la Vigie de la laïcité (Le père de M. Schiappa en fait partie).

Quelles pistes ?

On ne jugera l’époque de la pandémie que dans plusieurs années. L’histoire nous apprend que l’impact d’une grande catastrophe, (comme le montre l’exemple du volcan dont l’éruption gigantesque a provoqué un petit âge glaciaire, à partir de 1359) peut être très divers. On ne sait pas quel sera l’impact du Covid. On doit se préoccuper de comment les conflits culturels ont continué malgré des conditions si défavorables. La pandémie n’a pas tout écrasé. La société a été plus conflictuelle mais a produit plus d’idées. C’est très difficile de réfléchir sur la longue durée. Même les catastrophes peuvent avoir un effet d’émancipation.

Q. Que pensez-vous de l’influence des réseaux sociaux ?

-Ce n’est pas un problème spécifique à la France. On était optimiste quand on voyait les printemps arabes, Occupy Wall Street. Les gens ne se séparent qu’entre gens qui ont les mêmes idées. On manque d’espaces de vrais débats. Il y a une déliquescence, plus de mouvements de jeunesse. Les associations vieillissent.

Il peut y avoir une prise de conscience des questions culturelles comme dans l’affaire George Floyd. Mais après, une autre affaire éclate : un/e mannequin influenceur/euse transgenre prend parti pour un émeutier et accuse sur son blog tous les blancs d’être racistes. Il/elle se fait virer de L’Oréal. L’influenceur/se refait une campagne sur sa couleur de peau.

Q. Mais quelles sont les causes profondes de tout ça ?

L’idée de causalité est très difficile pour un sociologue qui observe le réel, ce n’est pas comme dans les sciences expérimentales. Il doit trouver un sens à une évolution, pas des causes précises. Il y a eu un profond changement avec la chute du Mur en 1989. Fukuyama y a vu la fin de l’histoire, le triomphe de la démocratie et du marché… Ils n’ont pas vu la montée des populismes autoritaires.

Q.  Que pensez-vous de l’affaiblissement des partis de droite comme de gauche ?

Q. Que faut-il penser de la mondialisation ?

Q. Que faire contre l’abstention qui augmente toujours ?

Q. Vous ne parlez pas de l’Europe. Pour qu’il y ait une vie politique, il faut qu’il y ait pouvoir. On assiste depuis 50 ans à un bouleversement de la structure du pouvoir. Qui décide ? On ne sait pas. Sur quoi s’appuyer pour peser sur les décisions. L’état n’est plus le décisionnaire !