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02/03/2009 - Guerre de Gaza - Stéphane Hessel

Exposé

Les relations entre Israël et les palestiniens doivent d’abord surmonter une impasse. Celle-ci tient au fait que le gouvernement israélien reste convaincu qu’il est dangereux d’avoir un État palestinien. La structure politique israélienne empêche d’envisager autre chose que « l’État d’Israël + les colonies en expansion + Gaza à part avec ses extrémistes neutralisés ». la masse des Israéliens considère que les choses sont bien ainsi, qu’il est important que la sécurité du pays soit garantie contre les visées des pays arabes et que cela implique une grande force militaire.
Elle ne voit pas qu’une paix est impossible si le dialogue avec les palestiniens ne peut être engagé. C’est pourquoi tous les schémas élaborés avec deux États et Jérusalem comme capitale pour l’un comme pour l’autre, ont jusqu’ici échoué.
Comment reprendre les négociations dans ces conditions ? Les dégâts causés par les roquettes du Hamas sont insignifiants. Répliquer en détruisant sans retenue est inacceptable. Il faut donc d’abord que les partenaires d’Israël aient le courage de dire « stop » et de l’obliger à la négociation.
– Pourquoi à Charm-el-Cheikh ne pas conditionner l’aide à la reconstruction de Gaza à la reprise des négociations par Israël avec Mahmoud Abbas en étant prêt à apporter une garantie pour sa sécurité ?
– Pourquoi Mme Clinton et le général Mitchell ne feraient-ils pas une pression suffisante sur B.Netanyahu pour l’obliger à s’allier avec le parti Kadima de Tzipi Livni ? Le gouvernement de droite ne peut pas organiser de façon positive une rencontre avec Mahmoud Abbas. Une modification de la structure de l’éxécutif israélien est nécessaire pour favoriser ce dialogue.
– Pourquoi cette pression ne s’exercerait-elle pas aussi pour que la négociation soit engagée sur la base des frontières de 1967 qui sont le droit international comme l’a répété Ban Ki Moon ?
On peut être pessimiste sur la possibilité de faire fléchir le gouvernement israélien en ce sens. Du moins pourrait-on le pousser à faire quelques avancées limitées sur certains points (annulation d’une partie des check points ou des colonies israéliennes les plus exposées) mais nécessaires et suffisantes pour conforter les palestiniens modérés dans le fait qu’une négociation est possible. Il faut être là encore très optimiste pour y croire.
Où est le gouvernement israélien capable d’entendre qu’il est de l’intérêt du judaïsme mondial et de l’État d’Israël qu’ils ne se considèrent pas comme une avancée de l’Occident en terre ennemie mais comme un élément parmi d’autres au Moyen-Orient ?

Débat

Q1. Une négociation suppose deux parties. Où est la partie palestinienne ? La clé de la négociation n’est-elle pas là ? Il faudrait un geste dogmatique de la partie palestinienne.
R. Quand on a, comme Israël, une écrasante supériorité militaire, il faut d’abord donner à ceux qui veulent négocier un certain nombre d’ouvertures. Si l’on dit : « Il est impossible de discuter avec le Hamas », on bloque la négociation. Si l’on dit « C’est difficile », alors on peut trouver des moyens d’avancer.
Il faut pouvoir imposer à l’Iran et au Hezbollah de ne pas toucher à la sécurité d’Israël. Mais il faut dire aux israéliens de ne pas exagérer les risques qui pèsent sur leur sécurité et de prendre en compte la garantie que la communauté internationale peut apporter pour leur sécurité.

Q2. Israël n’est-il pas diminué par sa guerre au Liban ? Le conflit Israélo-palestinien ne cache-t-il pas un conflit de fond avec l’Iran ?
R. Il n’y a pas de doute sur la supériorité militaire d’Israël même s’il peut faire des erreurs militaires…même s’il était lâché par les USA. Oui, on est obnubilé par le malheur palestinien et on pourrait se dire que le vrai danger est un chiisme irano irakien. Mais il le serait moins pour Israël que pour les États sunnites. Une intervention d’Israël sur l’Iran ne ferait que ressouder l’unité arabe. Il vaudrait mieux compter sur une intervention turque pour cela.

Q3. Que pourrait faire l’Europe dans tout cela ?
R. C’est effectivement exaspérant de voir l’UE travaillée par des sentiments de culpabilité à l’égard d’Israël au lieu de le traiter comme n’importe quel autre État. Il faut se débarrasser de ce sentiment et se rallier fermement aux positions de l’ONU qui traduisent le droit international et dire à Israël qu’il viole quelque chose qui nous tient à cœur. L’Europe ne dit rien et ne récolte que le dédain d’Israël.

Q4. L’Union pour la Méditerranée pourrait-elle jouer un rôle positif ?
R. Oui. J’avais approuvé le projet de N.Sarkozy Encore faut-il qu’elle se montre ferme quand viendra le moment où Israël comprendra qu’il y a des concessions à faire.

Q5. Le terme de « Guerre de Gaza » est trompeur car il renvoie à une conception classique de la guerre. La guerre que fait Israël a changé de nature, c’est une guerre en grande partie interne contre le terrorisme. En quoi votre schéma peut-il résoudre le problème ? R. Si Israël continue sur sa lancée avec la construction du mur, il n’arrivera jamais à être complètement à l’abri. Il a fait la paix avec l’Egypte. Il pourrait la faire avec les palestiniens sans être davantage menacé.

Q6. Le contraste entre la vision positive de l’opinion israélienne sur la guerre de Gaza et l’opinion internationale sur cette question est saisissant. Va-t-il s’aggraver ?
R. L’opinion israélienne ne supporte pas les tirs de roquettes du Hamas et elle a vécu la prise du pouvoir du Hamas à gaza de façon très négative, mais elle se rend compte des excès commis.

Q7. Le film israélien Z32 met à nu ce malaise en son sein. Comment concilier une telle critique avec la politique suivie ?
R. Oui, il est étonnant de voir combien les opposants peuvent s’exprimer de façon aussi forte. On peut tout dire en Israël. Ce n’est pas un État totalitaire. Le Haaretz n’hésite pas à être sévère. C’est sympathique, mais cela n’influe pas la Knesset dont ils sont absents.

Q8. Il y avait eu, il y a quelques années, une Initiative de paix lancée par les pays arabes (plutôt sunnites) prête à reconnaître pleinement l’État d’Israël et son droit à vivre en paix dans les limites de 1967. La solution ne serait-elle pas de la réactiver ?

R. La proposition de Beyrouth de 2002 aurait dû être reconnue comme intéressante par Israël au lieu qu’il refuse d’en discuter. Cela montre bien que les Israéliens n’ont pas envie de faire une paix qui supposerait des concessions importantes, notamment sur le partage de Jérusalem.

Q9. C’était l’époque où Bush se préparait à faire la guerre en Irak avec pour objectif principal, bien qu’inavoué, de conserver à l’Occident un contrôle sur les stratégies pétrolières des États du Moyen-Orient. Il s’agissait d’une stratégie de passage en force où l’ « allié Israël » qui le sentait bien, pouvait être précieux. Avec Obama et la crise, on est aujourd’hui loin de cette vision. On parle surtout d’énergies renouvelables. Mais cela durera-t-il lorsque les américains se seront rendus compte des limites de ce retournement. L’objectif « pétrole » ne redeviendra-t-il pas l’inspirateur principal de la politique américaine au Moyen Orient, avec Israël comme précieuse tête de pont ?
R. Israël ne servira en rien aux Américains pour maintenir leurs positions pétrolières. Leur influence au Moyen- Orient sera plus forte avec une sortie de la crise israélo-palestinienne. (En réponse à un intervenant) : Il faut être très prudent à l’égard des pro-palestiniens déclarés qui voudraient porter Israël devant un TPI pour crimes commis pendant la guerre de Gaza. Les Européens doivent montrer qu’ils sont décidés à garantir la sécurité d’Israël mais aussi que la Palestine a le droit à être un État comme les autres.

Q10. Votre position d’une négociation sur la base des frontières de 1967 est surprenante. Celles-ci n’ont fait que figer les positions militaires de part et d’autre. Leur incohérence est évidente quand on voit que le territoire d’Israël se rétrécit par endroits à 11 km !

R. Les frontières de 1967 donnent à Israël 78% de la surface de la Palestine ! Ce sont déjà des frontières de conquête. Il n’est pas pensable que l’État palestinien dispose de moins ni de la possibilité d’avoir également Jérusalem pour capitale. Le droit international dit la position de départ à partir de laquelle on peut négocier de bonne foi. Je ne vois pas d’autre issue possible.
Q11. Les pays arabes ne détiennent-ils pas la solution du problème ? Unis, n’ont-ils pas les moyens d’une pression efficace ? Quel serait selon vous, sur le plan constitutionnel, l’État d’Israël idéal ?

R. Je pense qu’Israël doit être un État pour les juifs où il serait dangereux que la part des non-juifs dépasse 20%. Cela n’est pas incompatible avec un fonctionnement démocratique et des droits égaux pour tous. Je ne crois pas à la possibilité d’un grand État démocratique avec juifs et palestiniens mélangés.
Les juifs ont toujours été minorisés et mis à l’écart. Mon souci est que cet État ne soit pas plus grand que ce qui est nécessaire pour les besoins de l’Alya (le retour en Israël des juifs qui le souhaitent). Le risque d’apparaître comme un État « apartheid » ne doit pas être couru par les Israéliens qui doivent réfléchir sur le sens de la laïcité à la française. Il est dangereux d’en parler sans des Israéliens qui n’ont pas le droit d’aller en Palestine et qui vivent les palestiniens comme des sauvages alors qu’il s’agit d’une des populations les plus cultivées du Moyen Orient.

Q12. Est-ce la Shoah qui a rendu inévitable l’option de créer l’État d’Israël ? N’est-ce pas l’arrivée d’immigrants juifs venus de Russie qui est la cause de la droitisation d’Israël ?
R. Oui à ces deux questions. Cette arrivée rend la situation plus difficile à modifier car les jeunes immigrants venus de Russie sont d’une brutalité extraordinaire. Par ailleurs les séfarades veulent une revanche sur les ashkénazes.

Q13. L’essence même de l’État d’Israël est la défense contre la destruction. La paix reviendrait à décomposer l’État pour collaborer avec les Palestiniens.

R. La solution pour les Israéliens n’est pas de se fondre dans une masse mixte car cela ôterait la signification fondamentale imprimée par le sionisme et la Shoah. Raison de plus pour rendre plus pressant un voisinage pacifique avec un État palestinien. À Gaza en avril 2008, j’ai rencontré des palestiniens ne croyaient plus en un futur État palestinien et se résignaient à ne plus vivre que dans un apartheid. Non ! Il faut en rester à la solution du Droit international….

Gérard Piketty.

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