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08/01/2018 - Inégalités - Louis Maurin

Louis Maurin souhaiterait que vous consultiez les sites ci-dessous pour compléter son exposé.

https://www.inegalites.fr/Nous-soutenir

www.lecese.fr/content/m-louis-maurin-observatoire-des-inegalites-raef-2017

http://lactualitedessocialistes.hautetfort.com/archive/2017/10/07/que-faire-contre-les-inegalites-louis-maurin-observatoire-de-5985306.html

Exposé

On pourrait presque s’en tenir à ces quelques liens pour donner une bonne approximation du propos de Louis Maurin.

« L’observatoire des inégalités (UI) est une toute petite structure (3 salariés) créée à Tours en 2003 qui vit presqu’exclusivement des dons qui lui sont faits (cf. premier lien)

Le débat sur les inégalités est la tarte à la crème du débat public. Encore trop confiné dans un cercle de spécialistes, il y manque encore beaucoup d’éléments. Il est souvent exagéré avec beaucoup d’oppositions qui rendent difficiles de « faire correctement la part des choses ».

Je me concentrerai sur la situation française et pour finir sur la part d’hypocrisie qui entache le débat.

Il faut d’abord redire que notre modèle social est l’un des meilleurs du monde. Arrêtons de dire que l’école accroît les inégalités. Ce n’est pas sérieux (Cf. par exemple notre école maternelle où notre enseignement supérieur professionnel –BTS, IUT etc…). Le niveau de vie, s’il stagne depuis 2008, a été en continuelle augmentation jusques là. Le taux de pauvreté français est l’un des plus faibles du monde. Les conditions de logement se sont fortement améliorées : 40% de logements insalubres jadis contre 1% aujourd’hui. Les inégalités se sont réduites dans l’accès aux nouvelles technologies. La situation des femmes s’est fortement améliorée.

Attention aux effets pervers de la manipulation dans la critique sociale :

« Exagérer les choses ne sert à rien, sinon à décrédibiliser l’information auprès des couches populaires. Il n’y a pas 8 millions de pauvres dans notre pays, mais entre 2 et 3 millions de personnes qui sont vraiment dans le dénuement, qui vivent dans des conditions qui sont indignes d’une société aussi riche que la nôtre. C’est déjà énorme ! » …

  • Produire un message fataliste de l’impuissance
  • « C’est vrai que notre système social coûte très cher, donc remplaçons –le » ;

L’OI est là pour comprendre la complexité. Je ne vais pas dire que les inégalités sont croissantes mais je vais souligner quelques éléments qui posent problème :

–       D’abord le chômage. Entre 2008 et 2016, 3 millions de chômeurs en plus. 70% des demandeurs viennent des ouvriers et employés contre 8% des cadres supérieurs.

–       Cela va de pair avec un accroissement de la précarité qui touche avec le chômage 12% de la population avec un impact plus marqué chez les jeunes mal formés (Chômeurs + Précaires + Découragés = 7,5 millions de personnes).

–       Inégalités de revenus. Depuis 10 ans on voit se développer une diminution du niveau de vie des plus pauvres. Les classes moyennes voient leur niveau de vie stagner. Pour les 30% du bas, ce n’est pas l’effondrement mais l’éloignement des riches est de plus en plus marqué et constitue un phénomène nouveau. C’est la France des ouvriers et des employés.

–       Augmentation de la pauvreté. 600000 p sont passées sous le seuil de pauvreté (50% du revenu median)

–       Le cœur des inégalités reste lié au titre scolaire : 16% de la population est d’un niveau Bac supérieur à 2. Le titre moyen des classes moyennes est le CAP ou le BEP. 90% des enfants des enseignants arrivent au Bac contre 45% des enfants d’ouvriers. On ne veut pas comprendre que le problème est un problème de fonctionnement de l’école. L’emprise du diplôme est un ciment beaucoup plus fort que les inégalités fondées sur la réussite économique. Il légitime les inégalités.

–       Les inégalités où ? Massivement les pauvres vivent dans les grandes villes (13,18, 19 et 20 èmes arrondissements de Paris avec des poches avec un taux de pauvreté supérieur à 40 % (22% en moyenne). Ce sont des enjeux politiques à droite comme à gauche pour se rapprocher de la population.

–       Mauvaise prise en compte de la carte de densité de la population : Il suffit de très peu d’habitants dans des zones de faible densité pour en faire basculer le caractère.

–       C’est vrai qu’il y a des difficultés pour les classes moyennes notamment en milieu rural. Il y a une complexité du territoire.

–       On refuse de voir la fracture sociale entre milieux sociaux en préférant insister sur les inégalités « post-industrielles » (homme/femme, genre etc…). On a un peu jeté les inégalités de classe avec l’eau du bain « marxisme ».

–       Le clivage entre emplois protégés et emplois flexibles est très important. Le statut de la fonction publique clive massivement. De même travailler dans une grande entreprise/une PME.

–       Les inégalités de « capital social liées aux relations.

–       N’est-on pas dans une société avec des serviteurs aux horaires très stricts et des maîtres qui commandent sur leurs smartphones.

Hypocrisie de certains discours

Voulons-nous l’égalité ? Contrairement au discours de droite, celui de gauche est facilement teinté d’hypocrisie. À droite, on dira facilement que « la crise est partout ». À gauche on pointera volontiers du doigt les 1% les plus riches ou d’autres boucs émissaires comme les immigrés. La question des inégalités ne se limite pas aux revenus. La façon dont on traite les jeunes des milieux populaires dans le système éducatif par exemple est sans doute plus grave que l’enrichissement excessif des « super-riches ». On constate cette hausse des inégalités bien entendu au niveau des revenus mais aussi au niveau du système éducatif, avec l’arrêt de l’allongement des scolarités et un enseignement de plus en plus élitiste.

Pourquoi on est-n arrivés là ? :

–       En réaction contre le discours marxiste classique

–       La sociologie des associations du « partage » a joué aussi

–       Depuis 2008, le niveau de vie stagne. Les choix politiques « font plus mal »

–       On a confondu la transformation des formes de distinction et leur disparition

–       Y a-t-il une véritable inquiétude d’explosion sociale dans la partie bourgeoise de la société ?

 

Débat  Q1. Les inégalités sont-elles inéluctables ?

R. Nous acceptons massivement les inégalités. On en a besoin. C’est un aiguillon. Le problème est celui des inégalités injustes. Il est intéressant de voir comment les discours les légitiment. Il faut savoir prendre du recul par rapport à ces discours. Je n’oublie pas le discours sur le sens de l’histoire : Construction d’une société très solidaire et socialisante. Donc pas de fatalisme.

Q2. En somme vous nous dites que tout va bien !

R. On n’avancera que si on reconnaît les avancées et les points o cela va moins bien. La dramatisation de la pauvreté a des effets pervers. Les associatifs jouent avec le feu. On n’a jamais tant construit de logements sociaux que sous Sarkozy. Pour l’impôt sur le revenu chacun, selon l’article 13 de la Constitution, devrait y contribuer en proportion de ses revenus. Rien ne sert de pointer du doigt le 1% des plus riches.

Q3. Qu’est ce qui fragilise le modèle social français ? Besoin d’une réflexion sur les effets de seuil.

R. Un élève en primaire coûte 7000 €/an. Difficile de dire que l’école accroit les inégalités ! Mais il y a la violence symbolique d’un modèle trop élitiste qui alimente les tensions. Par ailleurs le « Bac pro » équivaut à l’enfermement à vie de l’enfant dans un sillon donné. L’école n’explicite pas assez ce qu’elle attend des enfants.

            Q4. Le terme de « classes moyennes » couvre n’importe quoi !
R. Dans les sociétés modernes se développe une frange intermédiaire de la population entre ceux qui servent et ceux qui utilisent. Tout le travail d’une partie des classes moyennes aisées est de se déguiser en classes moyennes. Intéressant de voir les discours utilisés. On se trompe pas mal sur les mots : On se souvient de Julien Dray qualifiant de façon méprisante Raffarin de « chef de rayon » sans se rendre compte que cette qualification est celle d’une frange importante de la population.

Q5.   La perception des inégalités dépend fortement du contexte et de ses dynamiques. Être en dehors du flux de dynamisme vous assigne à vivre dans un ghetto. La diminution des inégalités entre pays n’implique-t-elle pas une augmentation des inégalités au sein des pays ?

Vos analyses portent sur le passé ou un présent très prêt de passer alors qu’on nous avertit des mutations toutes proches du numérique ou de l’intelligence artificielle. Y a-t-il une part de prospective dans votre travail pour infléchir vos conclusions ou préconisations ?

R. L’effet des inégalités scolaires est bien plus fort que les effets de la mondialisation. Je me méfie un peu de la prospective. Les scénarios de prospective sont intéressants mais notre avenir est d’abord lié à la croissance. Pour la jeunesse peut-être se dessine-t-il une logique inverse de celle de mai 1968 avec revendication d’accès aux mêmes normes de consommation que les vieux. L’accès au logement est une violence très forte faite aux jeunes.

Q6. L’ascenseur social fonctionne-t-il ou non ? Dans n’importe quel contexte socio-économique ?

R. L’école de la République ne faisait pas mieux dans le temps : on se fait un rêve de l’élite extraite des milieux défavorisés par la 3ème République. L’ascenseur social fonctionne toujours mais les effets sont moins visibles que pendant les 30 glorieuses. Mais la distance entre bas niveaux et niveaux de revenus les plus élevés s’accroît beaucoup.

Q7. Logement ? Pourquoi y met-on beaucoup d’argent pour arriver à des résultats médiocres ?

R. Parce qu’on est arrivé à de bons résultats. Le problème est au niveau de la régulation des loyers. Les revenus des bailleurs privés ont énormément augmenté.

S. Le hiatus est effectivement important entre loyers sociaux et loyers du secteur privé.

Q8. Peut-on débattre sérieusement de l’accompagnement social à l’école ?

R. On dépense beaucoup plus pour les plus favorisés mais le problème n’est pas qu’un problème de moyens. Il faut repenser la façon dont on fait l’école. 80% des élèves défavorisés sont hors ZEP ou des quartiers prioritaires.

Q9. Les jeunes vivent les inégalités au niveau de l’école comme une injustice sociale.

R. On est un des pays où l’on a le plus réfléchi à l’école et où on l’a le moins transformée. On est un pays de l’hypocrisie et du bricolage. Pourquoi les exclus de la domination scolaire ne se révoltent-ils pas ?

Q10. Etes-vous sollicités par les pouvoirs publics ?

R. Très peu : Il nous arrive d’être interrogés mais on n’est pas intégré à une chapelle. Nous sommes un OVNI pour beaucoup. L’éloignement du pouvoir a un effet positif sur notre travail.

 

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