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07/01/2002 - Une Politique de Sécurité passe t elle d'abord par la répression ? - Sophie BODY-GENDROT, directrice du Centre d' Etudes Urbaines dans le monde Anglophone

Préambule de la rédactrice

On peut peut-être reprocher, comme l’a fait à plusieurs reprises notre intervenante, que les politiques menées en France tant dans le domaine de la politique de la ville que dans celui des politiques de lutte contre l’insécurité se traduisent plus par l’énoncé de  » principes  » qui contraignent d’inscrire toutes les actions menées dans un  » sens  » et qui limiteraient ou empêcheraient par là même leur efficacité. Mais les expériences conduites aux Etats Unis, qui nous ont été présentées, sont difficiles à relater sans tomber dans la description d’une succession d’anecdotes. La difficulté à trouver un fil conducteur pour rédiger le compte rendu de l’intervention traduit cette absence d’encadrement a priori dans des principes, qui donnent le sens…

Sophie Body Gendrot rappelle en introduction que les termes employés pour parler de la violence ou de la délinquance n’ont pas le même sens et la même portée selon la situation dont on parle (Sao-Polo ou Paris) ou selon l’approche que l’on fait (philosophique, politique, juridique…). Il est toutefois nécessaire d’adopter un contenu précis : la violence est une atteinte à la personne dans son territoire, son identité. Elle porte atteinte à l’intégrité, au bien être, à la tranquillité.

Madame Body Gendrot axe son intervention autour de trois points qui sont des éléments aggravant l’insécurité ou des facteurs de production de la sécurité dans les villes américaines qu’elle a observées.

Le rôle de la  » mondialisation  » dans les métropoles

SI on constate une transformation de la situation économique des métropoles et un enrichissement global des populations on observe surtout les transfert de tous les pouvoirs sur ceux qui  » sont bien placés « , les inclus. Les villes sont de plus en plus segmentées et bipolarisées. Il y a une corrélation entre la répartition du capital économique et la dialectique ordre et désordre. Pour les uns des espaces très protégés, des exigences d’ordre et de protection, pour les autres sans qu’aucun lien n’existe entre les deux groupes, des espaces complètement désinvestis où seule règne la loi du plus fort. La mondialisation est un facteur aggravant de cette rupture et donc producteur de violence. Ex : Times Square, quartier en décrépitude, l’Etat et la ville ont demandé à des investisseurs privés de réinvestir le quartier. La condition posée par les entreprises a été d’exiger la sécurité (architecture des batiments, garde privée chargée par des juges du traitement de la délinquance, exclusion des SDF à l’extérieur des périmétres…) ce que la municipalité de New York a mis en œuvre,

Le rôle des médias

Les américains sont comme beaucoup d’occidentaux confrontés à une crise de civilisation, au passé idéalisé. Les médias les confortent dans l’impression qu’il n’y a plus de sens et donnent  » des clignotants  » comme repères : croisade au nom de la Justice, délation au nom de la sécurité…. Les médias contribuent à détourner ce sentiment d’incertitude de l’opinion sur des réponses manichéennes : la ville, l’insécurité, les  » exclus « , l’autre

Le rôle des institutions

Aux Etats-Unis il n’y a pas de politique publique arrêtée mais des programmes pour financer des initiatives. La culture américaine entraîne des comportements individuels, très différents des nôtres, et qui transforme la relation de la société civile avec les institutions. Les structures (justice, police.) sont décentralisées, élues par la société et tirent leur légitimité des comptes qu’elles ont à rendre. La collaboration avec elles est naturelle et valorisée (la délation peut être jugée comme un comportement de bon citoyen !) La relation par rapport aux exclus est aussi différente aux Etats Unis : on prend en compte les exclus lorsqu’ils sont méritants. En France le principe de l’égalité de tous, par exemple par rapport au droit au travail, entraîne une obligation de prendre en charge ceux qui n’y ont pas accès (légitimité de l’assistance).

Sophie Body-Gendrot illustre le rôle des institutions et de la société civile en décrivant les différentes étapes de la réforme de New York. Pour freiner le taux d’homicides (2200 homicides en 1991), la nouvelle municipalité a réorganisé ses services comme ceux d’une entreprise (objectifs, évaluation, prime…) le premier objectif visé pour que des investisseurs réinvestissent la ville : faire revenir la sécurité. Coordination hebdomadaire entre la police, les juges et les éducateurs par quartier pour dresser l’état des lieux, forte pression sur la police, (40% des effectifs sont privés) pression au niveau fédéral pour que la justice soit plus répressive. Si la délinquance a incontestablement diminué (les homicides sont passés à 613 en 2001), il faut aussi l’attribuer

à une situation économique qui s’est améliorée. Cependant, et la réaction est particulièrement sensible après le 11 septembre, la société civile n’est pas prête à payer sa sécurité au prix imposé : c’est à dire une diminution trop sensible de ses libertés, du fait en particulier de contrôles permanents.

Le rôle de la société civile sur la sécurité

La société, à différents niveaux, joue un rôle important dans la production de la sécurité. Comme déjà citée, la délation qui est considéré comme un comportement positif, aurait une influence positive sur le sentiment d’insécurité :  » on se sent protégés par ses voisins « , la police est vraiment au service des citoyens (présence d’ilôtiers très repérés et évalués par la population), participation des communautés (contrat entre le clergé noir et la police locale, mouvement de femmes qui ont participé à la sécurité dans la rue, mouvement pour le recrutement des minorités dans la police…) participation  » conflictuelle « , réaction de groupes organisés lorsqu’il y a des  » bavures policières). Elle collabore aussi à la sécurité par des initiatives d’aide aux méritants

Débat avec la salle

La question des interférences entre le public et le privé a été plusieurs fois posée sous différente forme. Jugées positives au niveau des marges de manœuvre laissées au privé pour innover, prendre en charge, expérimenter, elles sont jugées beaucoup moins évidentes, quand il s’agit pour la société de choisir et évaluer la police.

Quelques témoignages de la salle pour rappeler ce qui se fait en France : rapprochement institution/habitants : ilotage, maison de justice, égalité de tous quelque soit l’origine, diversité urbaine et sociale affichée…

Une question à laquelle il n’a pas été répondu portait sur la difficulté pour les autorités (police, école) de faire reconnaître sa légitimité parce que les références et les valeurs ne sont plus partagées. Une expérience est citée de policiers qui viennent présenter ce qu’ils font dans des écoles.

La conclusion a été faite par la salle : des actions conduites aux Etats Unis on peut retirer la capacité des institutions et de la société civile à expérimenter, diagnostiquer , écouter , tirer des enseignements des multiples expériences, ce que nous avons encore beaucoup de mal à mettre en œuvre en France. C’est bien l’articulation entre des politiques globales centralisées et la prise en compte des initiatives locales que nous n’arrivons pas à trouver.

Martine Peyrou-Teitgen

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