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05/12/2011 - Stratégie pour le système de santé ? - Marisol Touraine

Exposé

Le déficit du système de santé est d’actualité. Mais il ne faut pas oublier les problèmes de santé qui se cachent derrière lui. Ce n’est en effet pas une question secondaire car :
• toute dépense n’est pas bonne à prendre. Les USA dépensent proportionnellement plus que nous pour un résultat peu enviable,
• derrière des progrès considérables en matière de santé, se cachent des inégalités terribles au regard de l’espérance de vie, en matière territoriale (Les jeunes se suicident plus dans la Région Centre), dans l’accès à la prévention. La surmortalité des hommes de moins de 40 ans est plus forte chez nous.
Le résultat est globalement positif mais avec des écarts souvent plus importants par rapport à la moyenne que dans d’autres pays aux moyennes moins élevées. La question des déficits oblige d’abord à regarder plus finement la juste affectation des dépenses.
Mais il faut aussi aller au delà car sans résorption du déficit le système de santé sera remis en cause. Le gouvernement a-t-il eu le noir dessein d’entretenir ce déficit pour favoriser un transfert au privé ? Depuis 4 ans, on a assisté au plus fort transfert vers le privé. La part des dépenses à charge de l’AM est passée de 78% à 76% en moyenne avec la montée corrélative en puissance des « complémentaires » (qui ne sont pas dans la même logique que la Sécu) pour ne pas augmenter la dépense des français. Mais si l’on tient compte de ce que les dépenses de l’hôpital sont couvertes à 95%, le taux de couverture par l’AM pour les soins hors hôpital tombe à 55%.
D’où des difficultés d’accès aux soins croissantes (dépassements d’honoraires, déserts médicaux même dans certains quartiers de banlieue..). On est face à une crise du système qui n’a pas encore explosé mais qui n’en est pas loin. Nombre de familles vont aux urgences parce qu’elles ne peuvent faire autrement. Or l’entrée aux urgences coûte à l’AM 240€ avant tout acte médical. L’enjeu ne peut être simplement d’augmenter les ressources (qui soit dit en passant devront nécessairement augmenter). Si le système reste tel quel, nous allons dans le mur.
Il faut dire clairement que la santé est un investissement pour le pays, pour l’économie parce que des secteurs peuvent se développer grâce à la santé (nanotechnologies, nouveaux médicaments, accompagnement des personnes âgées…).
En soignant mieux, on fera des économies. Quelles pistes ? :
• La prévention doit devenir une question centrale. On régresse sur le cancer du sein. Il faut se demander si les modes d’acti
vation de la prévention sont efficients. Il faut aussi la penser autrement qu’en termes de dépistage (santé à l’école, hygiène alimentaire, sportive, modes de vie…). C’est aussi de ne plus céder face à certains lobbies…
• La médecine libérale doit être au cœur de la réforme. Il faut un parcours de soins garanti pour tous avec l’accès aux généralistes, la facilitation de l’exercice pluridisciplinaire dans le privé et dans le public. F. Hollande n’est pas favorable à un fléchage pour l’installation des médecins. Des incitations seront nécessaires, par exemple pour un exercice regroupé des disciplines. L’étudiant en médecine est formé pour aller à l’hôpital. Il ignore la réalité du cabinet médical. Il faut des transferts de compétences vers des professionnels de la santé ou même des marchands : pas besoin d’un ophtalmo pour lire un tableau de lettres !
• La médecine libérale doit trouver une autre articulation avec l’hôpital. Nous sommes opposés à l’alignement de la tarification de l’hôpital public et des cliniques privées qui sont actuellement tous deux regroupés sous la même qualification d’ « établissements publics de santé ». Il y a une perversité de la tarification à l’acte. La formation des internes a été déléguée aux cliniques privées. La médecine de la main est pratiquement passée au privé. Bref, l’hôpital a besoin de pouvoir se reposer sur une médecine de ville plus solide. Le système français souffre de trop de cloisonnements.

Débat

Q1. On a l’impression d’être sur un bateau sans capitaine. Or le système mixte français est nettement plus complexe. La partie publique récolte les poly-pathologies et les personnes qui ne peuvent payer. Ne peut-on envisager de mieux structurer les hôpitaux qui nécessitent des investissements technologiques complexes, en déléguant davantage vers les maisons de convalescence ou vers les établissements bien adaptés aux pathologies simples, on gagnerait de la place à l’hôpital ?
R. On peut organiser différemment le système mixte français auquel les français sont très attachés. La tarification est très complexe, les calculs se font en fonction des objectifs à atteindre. Il ne faut pas sous-estimer le rôle des petits hôpitaux en zone rurale. Par exemple, si on supprime l’hôpital de Loches (8000 hab), pourquoi un médecin libéral irait-il s’installer à 15 Km de là ? Mais il faut une convention entre l’hôpital de Loches et les chirurgiens de Tours pour tel ou tel travail 1 ou 2 jours/semaine.

Q2. Comment faire pour supprimer le déficit ?
R. On peut avoir des ressources supplémentaires à partir de revenus qui ne cotisent pas, les heures supplémentaires par exemple (cela pourrait représenter 3,5 G€ pour la sécu). Il faudra aussi payer un peu plus pour la santé avec une augmentation de la CSG.
Il faudra une plus grande maîtrise des dépenses : • Sur les médicaments en pesant à la fois sur la consommation et sur le coût des génériques plus élevé en France. Chaque labo met son générique sur le marché et ajoute un petit rien nouveau à son médicament pour contourner le généricage. On ne fait pas d’appel d’offres pour le moins coûteux pour ne pas risquer de sélectionner un labo étranger. Il faut comparer le SMR par rapport à tous les médicaments existants. Il faudra écarter plus sévèrement les médicaments dont le SMR est nul. On sait que les médicaments anti-Alzheimer ne servent à rien. Les associations anti-Alzheimer ne sont pas coopératives sur ce point. Les labos manipulent les associations. Il faut refuser des liens directs entre labos et associations Les labos ne s’intéressent qu’aux médicaments intéressant les maladies chroniques
• Sur l’hôpital en dirigeant les urgences sur la médecine de 1er recours
• Par une vigilance accrue sur les arrêts de travail.
• Par un respect accru du parcours de santé.
• Par une revalorisation de la médecine générale (déléguer les tâches de secrétariat, maisons médicales…) tenant compte des contraintes pour les conjoints, de l’école pour les enfants etc…

Q3. Comment la priorité donnée par F.Hollande aux jeunes se traduira-t-elle dans les politiques de santé ? Quid de la psychiatrie pour les enfants face aux politiques ultra-sécuritaires ? Comment développer la prévention sans augmenter le numérus clausus ?
R. L’évolution des dépenses de santé ne tient pas au vieillissement de la population. Un nombre croissant de jeunes renonce à se soigner. Peu ont des mutuelles (100 et 400 €/an pour la LMDE) et ont des problèmes le jour où une hospitalisation ou le recours à des spécialistes est nécessaire. Il y a des choses à faire. Prévention ? Il faudra former des médecins en plus. Ils seront dans les 12000 postes supplémentaires annoncés par F. Hollande pour l’EN. Ce sera une façon de titulariser les AVS au statut précaire qui s’occupent des handicapés. 6 à 8 mois sont nécessaires pour avoir un RDV dans un CMPP. Le 77 devient un désert pour la pédopsychiatrie. Beaucoup de psychiatres font un accompagnement de bien être. Il y a un problème de rémunération des psychiatres avec une concentration en milieu urbain. Difficulté d’une médecine ambulatoire pour des pathologies lourdes qui n’attirent pas la sympathie de la société. Il faut travailler sur une psychiatrie ambulatoire de secteur.
S. Depuis 20 ans on ne crée plus de postes en CMPP, or les familles y vont plus facilement.

Q4. 50% des français renoncent à des soins de santé, 40% des spécialistes refusent des CMU, Le droit d’entrée à l’AME été porté à 30 €/an. Qu’en pensez-vous ?
R. F. Hollande supprimera le droit d’entrée à l’AME. Sur le renoncement aux soins, les chiffres sont variables. Les bénéficiaires de la CMU renoncent aux soins dentaires et aux lunettes. Le refus des soins par les spécialistes est moins élevé que ce que vous dites. Il est concentré sur les spécialistes de la Région parisienne (notamment chez les dentistes). Il faudra mettre en place des politiques de sanction.

Q5. Jospin avait fait un important travail sur la famille grâce à Ségolène Royal. Je ne vois pas cette préoccupation dans son organigramme. On y parle de « sociétal », joli mot pour parler du mariage homosexuel (1000 couples/an).J’ai peur que ce travail ne soit laissé de côté.
R. C’est moi qui couvrirai cette question et j’identifierai un responsable.

Q6. La maîtrise des dépenses de médicament implique un travail en amont au niveau de la formation des médecins. Or il y a une mainmise des labos sur toute la vie médicale (associations, thèses des médecins, ordinateurs, recherche bibliographique). Il y a toute une façon de fonctionner à mettre en place pour éviter l’entrisme et le copinage. Quel contrôle des dépassements d’honoraires est-il prévu ?
R. D’accord. Il faut modifier le rapport au médicament. Il y aura un encadrement des dépassements d’honoraires car ils ont explosé. Il y a des différences géographiques. On n’a pas encore trouvé le mécanisme idéal.

Gérard Piketty

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